Comme les quelque 250 versions des Nymphéas inspirées à Claude Monet par le bassin du jardin de Giverny, les figures et motifs chorégraphiques d’All Over Nymphéas d’Emmanuel Eggermont sont innombrables, nuancés et déclinés à l’infini. Sur un plateau recouvert de tapis amovibles bleus, les cinq danseur·ses dont le chorégraphe arpentent un jardin d’Éden repensé au prisme des troubles du monde d’aujourd’hui. Leur forme humaine se transforme au gré des costumes et de mouvements délicats, précis et d’une élégance apaisante. Sont-ils·elles au final végétal ou animal ? Qu’importe, iels sont vivant·es, cohabitent en harmonie et leurs expressions corporelles reflètent la grâce et la beauté encore possibles d’un monde à réenchanter quitte à déconstruire ses représentations, à repenser ses fondements – et donc ses lois absurdes –, à déplacer ses angles de perception. Si l’art pictural sert de cadre aux rêveries, figuratives ou abstraites, du chorégraphe, la gestuelle titille également l’imaginaire collectif. Les déplacements des interprètes, leurs interactions comme leur non-rencontre, façonnent un tableau à l’esthétique pop assumée. Tel un défilé de mode dont les créatures hybrides parfois désarticulées rappellent l’incertitude de notre époque que viennent relativiser quelques notes d’humour. Quant à la musique originale de Julien Prévieux et la création lumière d’Alice Dussart, elles contribuent finement à l’esthétisme visuel et sonore accaparant.
LUDOVIC TOMAS
All Over Nymphéas a été donné le 10 janvier à Klap – Maison pour la danse, en coréalisation avec Le Zef, scène nationale de Marseille.