Les séniors sont en vogue dans le cinéma français. En 2022, on y a croisé Pierre Richard, Eddy Mitchell et Bernard Le Cocq (Les Vieux Fourneaux 2, de Christophe Duthuron). Line Renaud dans le taxi de Dany Boon (Une belle Course de Christian Carion). Gérard Depardieu et Daniel Prévost au centre gériatrique des Mimosas (La Maison de retraite de Thomas Gilou). Sans parler d’Andréa Ferréol ou de Brigitte Rouan en septuagénaires déchaînées, dans Chœurs de rockers d’Ida Techer et Luc Bricault. Dans ces films-là, pas de tragédie à la Haneke : même si les anciens sont un peu fêlés, le ton est plutôt à la comédie et à la tendresse. En ce début 2023, Un Petit Miracle, premier film de Sophie Boudre, n’y déroge pas : ce sera sourire, bienveillance, et feel good.
Intergénérationnel
Juliette (Alice Pol) est institutrice dans un petit village de Provence, en charge d’une classe unique, maintenue grâce à l’appui du maire Michel (Régis Laspales) contre les logiques comptables du rectorat. Or, le bâtiment qui abritait l’école, brûle. Dans l’urgence, la combattive Juliette s’installe dans le seul local municipal possible : la maison de retraite Les Platanes que son ancien instituteur Édouard (Eddy Mitchell) veuf, fatigué et dépressif, vient d’intégrer. La cohabitation entre les jeunes élèves pleins de vie et les pensionnaires finissant la leur, n’est pas « étanche » comme le promettait Juliette aux parents inquiets et au directeur de l’Ehpad, Antoine (Jonathan Zaccaï), un quadra au bord de la crise de nerfs.
L’échange intergénérationnel devient projet pédagogique et leçon de vie. Les enfants donnent sens à l’existence des résidents (qu’il ne faut pas appeler patients), ces derniers donnent aux enfants, leurs souvenirs, leur douce dinguerie, leur disponibilité et leur attention. Les deux groupes convergeant non seulement dans les activités de peinture, de théâtre ou de gym mais surtout dans l’espièglerie et la désobéissance aux adultes « raisonnables » qui les brident « pour leur bien ».
Fondé sur le comique de la situation initiale, le film s’attache aux portraits de quelques personnages, n’évitant pas toujours ni la caricature, ni le stéréotype, assumant un côté sucré qui s’exprime aussi dans la musique d’Emmanuel Rambaldi. Côté pensionnaires, on a deux sœurs rescapées de la Shoah, une comédienne atteinte d’Alzheimer, le lunaire Robert, et le ronchon au grand cœur. Côté enfants, la petite fille en surpoids qui rêve de danser, le garçonnet surprotégé, et le pré-ado débrouillard et intrépide.
Rien de miraculeux
Si la sexualité du grand âge, les problèmes budgétaires et juridiques des Ehpad, l’épuisement d’un personnel trop rare, la frilosité de l’Éducation nationale et la rigidité des normes sont bien évoqués dans le film, on ne cherchera pas un aspect documentaire dans ce scénario, parfois peu crédible, à l’instar des décisions administratives prises à une vitesse éclair (inconnue de notre système scolaire) ou des libertés que s’octroie l’enthousiaste Juliette au détriment de la sécurité de ses élèves. De même que, si les visites des scolaires dans les établissements pour personnes âgées se sont banalisées ces dernières années, l’installation à plein temps d’une école dans un établissement gériatrique est une idée purement scénaristique, née d’une expérience américaine de l’intégration d’une crèche dans un Ehpad.
Tourné à Ventabren, pendant la pandémie, baigné par la lumière méditerranéenne, le film soutenu par la Région, a mobilisé de nombreux autochtones pour la figuration. Présenté en clôture du Festival de l’Alpe d’Huez, dédié aux films de comédie, Un Petit Miracle – qui devait s’intituler Rien ne vaut la vie – est désormais sur nos écrans. S’il n’a rien de miraculeux d’un point de vue cinématographique, il cherche à glorifier « les bienfaits du vivre ensemble». Pourquoi pas.
ÉLISE PADOVANI
Un petit miracle, de Sophie Boudre
Sorti le 25 janvier