FÁR
Venu du grand nord, d’Islande, FÁR de Gunnur Martinsdóttir Schlüter nous fait assister à un drame. Un vol d’oiseaux dans le ciel. Visage d’une femme, Anna, derrière une vitre. Elle participe à une réunion d’affaires dans un café. Cadres serrés, couleurs bleues froides. On parle de gains, de l’installation d’un jacuzzi. Soudain, un choc contre la vitre. Une mouette git, à terre, blessée. Sous les yeux stupéfaits de ses collègues, Anna veut achever l’oiseau mais se fait agresser par des enfants « on n’a pas le droit de tuer » s’insurgent-ils. « La frontière est mince entre la souffrance et la mort » leur répond-elle. Derrière la vitre, les gens du café observent… Un film, court, efficace, âpre, superbement cadré. FÁR veut dire intrusion ; l’intrusion de l’inattendu dans un monde organisé, de la souffrance et de la mort dans un lieu où ce qui compte est l’argent gagné et l’efficacité économique. Une réussite.
I Once Was Lost
Inspiré par une histoire vraie, I Once Was Lost, entre documentaire, journal intime et fiction, nous raconte une anecdote arrivée à un père, celui de la réalisatrice franco-américaine Emma Limon. Un soir, il dépose en voiture sa fille, lycéenne, chez son premier petit ami. C’est elle qui l’a guidé dans les rues de la ville. Mais au retour, il ne retrouve plus son chemin. Cette anecdote qui lui est arrivé en 2008, il la lui raconte bien plus tard, en 2021. Emma Limon en fait un film. Une déambulation nocturne, très bien filmée, dans la banlieue de Boston. Pas grand monde à qui demander son chemin. John entre dans un tout petit magasin de donuts. Il achète un beignet, essayant d’obtenir des informations. Aucune des trois employées ne parvient vraiment à l’aider mais l’une d’entre elles lui offre plusieurs donuts qu’il dévore dès qu’il retrouve enfin sa route : « je ne me suis senti plus chez moi dans l’univers. » Perdre ses repères n’est pas toujours une mauvaise chose et ce père qui avait peut être l’impression de perdre-là sa fille devenue femme, a peut-être ici, trouvé un nouveau chemin.
Amarres
Un autre film inspiré par le réel, celui de Valentine Caille, Amarres. À partir de son histoire personnelle, la réalisatrice écrit une fiction, mise en scène avec soin et superbement interprétée par Alice de Lencquesaing et Jonathan Genet. Livia vient passer quelques jours sur le rucher familial. Elle y retrouve son frère, Louis, qui a fait des séjours en hôpital psychiatrique et qui est psychologiquement très perturbé. Il travaille sur le rucher – les scènes sur le travail des apiculteurs sont très bien documentées… La folie de Louis qui se manifeste dès qu’il est en contact avec les autres est en écho avec la folie technologique qui conduit à la destruction des abeilles. La relation entre le frère et la sœur, entre haine et amour inconditionnel, donne lieu à des scènes intenses, que la musique de Claus Gaspar souligne habilement. Un film riche en émotions.
ANNIE GAVA
Le festival Tous Courts, organisé par l’association Rencontres cinématographiques d’Aix-en-Provence s’est tenu du 28 novembre au 2 décembre