Cléa Pétrolesi a mis en scène de jeunes adultes aux handicaps invisibles, et à l’épaisseur humaine éclatante. Après un long travail d’atelier et de partage avec des comédiens, musiciens, scénographes professionnels, ils portent un spectacle qui parle d’eux très différemment, et situe leur parole dans la réception intime de leur différence, et dans leurs imaginaires foisonnants.
Ils sont habités par des mythes. Celle qui souffre d’épilepsie parle de Damoclès et de la menace constante qui pèse sur elle. Le jeune autiste asperger est fasciné par Méduse et son regard pétrifiant. Tous sont terriblement émouvants, celle qui n’a pas de mémoire et raconte un entretien d’embauche où elle a menti, celui qui va trop vite qui explique comment son hyperactivité le met à distance des autres.
Nouveaux mondes
Certains récits sont cocasses, comme lorsqu’il explique qu’il est venu à une simulation d’entretien déguisé en jardinier, puisque c’était ce qu’il voulait être. Ou l’excellent monologue de la « dys », qui admire comment Christophe Colomb qui, en se plantant de direction et en croyant trouver les Indiens, a transformé son erreur en vérité, et les habitants de ce continent en « Indiens d’Amérique ».
Chacun regarde le monde autrement, avec l’étonnement de ceux qui ne parviennent pas tout à fait à intégrer la société, les groupes. Leurs réflexions ont une saveur poétique puissante, et leur expérience du monde, de l’exclusion, des insultes, de la cruauté du regard qu’on porte sur eux et qui les invalide, est profondément bouleversante.
D’autant que Cléa Petrolesi les a amenés, à partir de leurs récits recueillis en ateliers, vers une maitrise scénique impressionnante. Dans chacun de leurs monologues, dans leurs relations aussi. Même s’ils échouent à chanter ensemble – d’où le titre délicieux « Personne n’est ensemble sauf moi » – ils dansent formidablement, et fabriquent un spectacle d’une humanité rare.
AGNÈS FRESCHEL
Personne n’est ensemble sauf moi
Du 16 au 18 janvier
Théâtre Joliette, Marseille
theatrejoliette.fr