Avec La tête froide, Stéphane Marchetti part sur les routes migratoires des Alpes, et filme avec intensité le rôle des passeurs
Des sommets enneigés et, au milieu de nulle part, dans un camping inutilisé en saison froide, un mobil-home : la maison de Marie (Florence Loiret-Caille), une femme fragilisée par la vie, criblée de dettes, que le propriétaire menace de chasser faute de loyers payés. Travaillant deux soirs dans un bar, elle survit grâce à la contrebande de cigarettes. On est prés du col de l’Échelle, à la frontière italienne. En pleine nuit, un jeune homme noir lui fait signe : il a besoin d’aide pour une jeune femme cachée dans la neige qui va accoucher. C’est un jeune réfugié gambien, Souleymane dit Soul (Saabo Balde), qu’elle accompagne dans un centre d’accueil, un hébergement provisoire. « Je n’ai pas l’intention de me lancer dans l’humanitaire ! » clame t-elle. Elle ne le peut guère, en effet. Le propriétaire lui a coupé eau et électricité ; sa fille qui vit à Grenoble chez sa tante débarque et lui annonce qu’elle veut arrêter ses études. Marie est acculée et se décide à accepter la proposition de Soul de devenir « passeuse ». C’est en Lybie que Soul a rencontré un passeur et l’est devenu à son tour. Commence alors pour Marie le cercle infernal du passage de migrants, des mensonges à son compagnon, Alex (Jonathan Couzinié) gendarme, des risques de plus en plus grands au cœur des Alpes. Car Soul a besoin d’une grosse somme d’argent pour gagner l’Angleterre avec sa jeune sœur, Awa. Jusqu’au jour où…
Pentes neigeuses
En 2017, Stéphane Marchetti avait réalisé avec Thomas Dandois un documentaire : Calais, les enfants de la jungle. Dans ce premier long métrage de fiction, La Tête froide, il choisit de raconter l’enfer des routes migratoires à travers la rencontre de ces deux êtres qui, peut-être, n’ont pas le choix. À aucun moment, il ne juge ses personnages : chacun a ses raisons et le spectateur suit avec angoisse leurs trajets dans cette immensité neigeuse. La caméra filme tour à tour l’espace exigu, oppressant, où Marie a dû héberger Soul ou du véhicule qui transporte les migrants, les routes escarpées et glissantes, les pentes neigeuses où ils risquent leur peau. On ressent le froid, la tension, la peur. Les deux acteurs sont excellents aussi bien Florence Loiret-Caille qui joue cette femme nerveuse, au sang froid étonnant dont le visage, filmé souvent en gros plan, exprime avec beaucoup de sensibilité les émotions que Saabo Baldequi incarne un personnage durci par la vie mais plein de tendresse pour sa petite sœur. On peut juste regretter la fin… que l’on ne vous dévoilera pas !
ANNIE GAVA
La tête froide, de Stéphane Marchetti En salles le 17 janvier