mercredi 2 octobre 2024
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Écouter l’autre, vibrer ensemble

Bien ancrée dans le rythme sudiste, entre sérénité et excitation, la programmation des Suds, à Arles, s’étend de délices orientaux matinaux aux dernières énergies dansées de la nuit festive

Les journées se parent de quelque “apéro découverte” musical gratuit tous les midis (dans tous les sens du terme, le tout venant se voyant offrir un verre ou plus d’anisette Cristal, en version alcoolisée ou non), dans la si jolie cour de l’Espace Van Gogh, où la fontaine centrale sait faire redescendre la température corporelle chauffée à coup de canicule. Une bonne raison de traîner jusqu’à la fameuse “sieste musicale” offerte au même endroit, un peu plus tard. Le public peut ainsi, à la carte, choisir ses temps d’écoute, de balade, de rencontres ou de fête. Incontournables, les “moments précieux” – concerts intimes et découvreurs de tout début de soirée – étaient donnés en partie dans le cadre très charmant des Alyscamps, cette année ; on avait découvert ce site historique en extérieur et sous les platanes centenaires lors de l’ère covid, parfait alors pour respecter les distances imposées à la culture… 

Migrations sonores

Dans ce fourmillant programme, une sensation domine : celle que, dans un territoire pourtant si marqué par les moins inclusifs penchants politiques (razzia générale du RN lors des dernières législatives), Les Suds redonnent des couleurs à la mixité, grâce à une programmation qui mêle rythmes et cultures sans distinction aucune, si ce ne sont celles de la découverte et de la qualité. Et ça fait un bien fou au moral, en ces temps humainement angoissants. 

Divers en étaient

En témoigne le plateau des Soirées Suds du 11 juillet, qui réunissait en un seul concert au Théâtre Antique le ponte de la techno Jeff Mills, le pianiste claviériste jazz Jean-Philippe Dary et le percussionniste indien Prabhu Edouard. Leur proposition, rythmiquement très improvisée, fut une expérience assez déroutante, où les tablas et les machines construisent ensemble une musique portée sur la trance. Parfois dur à suivre, le trio a tout de même offert de très beaux moments d’alliance rythmique, avec une nette montée en puissance au fil du concert. 

Proposition plus accessible, les Makoto San ont quant à eux offert une prestation au cordeau :  le quatuor marseillais soigne son image à coups de masques, de chorégraphie scénique rodée et d’instruments en bois impressionnants. Leur expertise n’en souffre en rien ; il faut reconnaître qu’ils arrivent, à bout de bras et de bois, à tenir des rythmes frénétiques habituellement sortis de machines ou d’ordis. Une électro organique agréable et une suite logique de programmation. 

Sans compter sur l’after qui, ce soir-là, a complété l’accession totale à la trance dans la Cour de l’Archevêché, grâce à l’énergie du quatuor Twende Pamoja et de son bouillon d’électro-jazz-rap intempestif et très rassembleur : les deux MC se donnent twerk et âme afin d’emporter un public conquis ! 

Nougaro vivant

La soirée du 12 n’a pas manqué de pluralité, puisque fut donné au Théâtre Antique un concert hommage à Claude Nougaro, réunissant un superbe orchestre mené par Fred Pallem. Se sont succédé sur scène une multitude d’artistes, dont l’on retient surtout les prestations de Marion Rampal, dont la voix semble se glisser dans tous les costumes sans problème, et honorer les textes du grand Claude avec une aisance jalousée. Thomas de Pourquery, malgré une apparente crève, justifie sans problème son virage vers la chanson, de tous ses graves vibrants. L’on se demande cependant si ces plateaux hommage ne tirent pas un peu parfois vers des formes trop floues ou trop peu répétées, qui font sortir légèrement la tête de l’impression d’unicité et d’exception. On retient cependant un after assez génial, qui a réuni le public autour d’un Fest Noz moderne offert par Fleuve

En clôture des Soirées Suds, le 13, un très bon concert de La Muchacha y le proprio Junte, trio colombien ultra efficace. On réalise à leur écoute comme la simplicité d’orchestration fait du bien. Ainsi, Isabel Ramírez Ocampo offre des compositions entre rock et reggaeton, ancrées et directes, accompagnée d’une contrebasse et de percussions entraînantes. On aurait adoré les écouter plus, d’autant que le chanteur flamenco Israel Fernandez semble, lui, s’être tellement ennuyé qu’il a écourté son concert d’une bonne moitié. 

Dommage ! Les Suds restent une expérience auditive unique et globale à la fois, doublée d’une déconnexion dont il est impossible de se lasser. 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Suds, à Arles
Soirées des 11, 12 et 13 juillet 2024
Théâtre Antique et Cour de l’Archevêché, Arles 

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