Après Pierre Rigal et avant Thomas Lebrun, au tour d’Ambra Senatore de proposer une pièce ce 30 novembre dans le cadre du « Parcours 1, 2, 3… soli ! » proposé par le théâtre marseillais cette année. C’est la chorégraphe elle-même qui accueille le public au micro. Frêle silhouette, jean et pull rouge, cheveux blonds tressés en indiquant que la salle est barricadée et qu’on ne peut pas sortir ! Un paradoxe alors que les portes du théâtre ont toujours été ouvertes pendant l’élaboration de ce projet. En effet, le travail s’est fait en interaction avec celles et ceux qui sont se sont saisis de cette opportunité.
Des voix venues de loin
Même si elle est seule en scène, Ambra Senatore ne cesse de remplir l’espace, de se nourrir de la présence de spectateur·ices, dans un retour constant entre la scène et la salle. Si la musique est absente au début du spectacle, on entend son souffle, ses mots qui, parfois, déclenchent des rires. Sa grammaire n’est pas celle des entrechats, des ronds de jambes et des pas de bourrée mais empreinte de moments de la vie quotidienne : des arrêts sur image, des ralentis, des discours interrompus au milieu d’un mot qui racontent l’histoire d’une femme ou celle de toutes les femmes. On entend leurs voix venues de très loin et pourtant si proches. La lumière évoque les entrelacs des branches d’une forêt primaire tandis que l’interprète rampe au sol à l’écoute de sons ancestraux, parfois issus de sa propre gorge et mixés en direct par le compositeur Jonathan Seilman. Parviennent jusqu’à nous, des voix venues de très loin, celles des femmes en exil qui ne peuvent plus faire marche arrière, abandonnées à leur sort comme les femmes afghanes ou luttant courageusement comme les Iraniennes. Le récit, souvent chanté, évoque la résistance de celles qui n’ont plus que le travail manuel, la broderie, la cuisine, comme espace de liberté. Ambra Senatore, loin d’être dans sa bulle, nous offre une création polyphonique qui porte les mots de celles qui sont réduites au silence.
ISABELLE RAINALDI
À venir
À suivre au Zef, le 5 et 6 décembre, le dernier des trois soli proposés cette année, celui de Thomas Lebrun, directeur du CCN de Tours, qui porte aussi une voix de femme, celle de Marguerite Duras. Les récits que l’autrice a partagé sur Radio France, enregistrés sur plusieurs décennies ont inspiré le chorégraphe. Intitulé L’Envahissement de l’Etre, Danser avec Duras, ce solo fait prendre chair aux mots car la danse est aussi écriture. I.R.
Retrouvez nos articles Scènes ici