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Faut-il faire communauté ?

À Klap, le festival queer prépare ses quatorze spectacles. Entretien avec Michel Kelemenis, directeur de la précieuse Maison pour la danse de Marseille

Zébuline. Vous avez créé ce festival queer en 2018, en précurseur. A-t-il aujourd’hui la même nécessité ?

Michel Kelemenis. Dans le champ où je travaille, qui est celui de la danse émergente, la question du genre a vraiment gagné en visibilité depuis 2018. Un projet sur deux que je reçois aujourd’hui porte sur les assignations genrées et comment les corps s’y débattent. On pourrait se dire qu’il n’y a plus de nécessité de maintenir ce festival. Que ce ne sont pas des questions communautaires et qu’elles peuvent être celles de tout le monde. Mais en fait ce n’est pas le cas.

Le public de + de genre est-il différent de celui de Klap en général ? 

En partie oui, c’est notre public, celui de la danse émergente, mais augmenté de la communauté LGBT+. L’intersection est grande, mais certains ne viennent que pour ce temps de programmation. Et il est évident qu’il est précieux pour eux. C’est pour cela que, malgré la généralisation de la question queer sur les scènes, malgré les progrès rapides et une législation volontariste dans la création actuelle, je crois qu’il faut maintenir ce moment. Parce que d’un autre côté cette communauté est dans un moment difficile. 

Vous parlez de la violence du monde, de la situation internationale ? 

Évidemment, mais aussi très concrètement du quartier. Le dernier cycle électoral a été absolument désastreux ici. Dans cette mosaïque de pauvretés de mon quartier [boulevard National, 3e arrondissement, ndlr] des politiques ont tenu des discours de haine inédits, dressant les pauvres contre les pauvres. On a toujours bien vécu avec les gens, ici, et pour la première fois un danseur s’est fait insulter, traiter de « PD », pendant un spectacle. Dans un moment de vulnérabilité, sur scène. C’est extrêmement violent. 

Est-ce pour cela que vous continuez + de genre 

C’est pour cela que je m’interroge sur la suite à donner, les évolutions. J’ai toujours été très heureux dans cette manifestation, de sentir l’humanité qui se dégage des propositions de jeunes artistes qui travaillent à leur endroit avec justesse. Ils et elles viennent ici, avec des manières de se présenter au monde qui sont très belles et me touchent, parce qu’ils se mettent en jeu eux-mêmes… J’ai toujours veillé à ce que ces questions soient aussi fondues à des esthétiques diverses, mais chorégraphiques.

©️Maxence Meyer

Elles ne le sont pas toujours ? 

La question de l’identité de genre et celle de la transition posent le corps au cœur des problématiques. Or, à mon sens, ce qui fait danse, ce n’est pas le corps, mais le geste, le mouvement. Et l’écriture de ce mouvement. Quelle peut être la formulation juste, et comment les jeunes artistes agissent pertinemment avec ce paradoxe, c’est cela qui intéresse + de genre. C’est un festival qui interroge aussi les esthétiques. 

Par exemple ? 

Parmi les projets, celui qui ouvre le festival, Some faggy gestures, où Andrea Givanovitchenchaîne les gestes maniérés qui sont censés caractériser les homosexuels. Il travaille sur la répétition, l’épuisement, pour dire l’enferment où cela l’assigne. On a aussi Wendy Cornu, qui est assez intellectuelle mais qui fait des choix de corps en résonnance avec son propos, ou Matteo Selda qui travaille sur la rotation et invente une danse homo-folk dans Fuck me blind. Ou Ahmed Ayed qui avec le danseur palestinien Hamza Damram, dans And Nobody else, se débarrasse des postures imposées par une société excluante… 

C’est cela qui vous intéresse ? 

Oui, c’est mon endroit, j’aime que les projets de danse ne s’arrêtent pas à mettre sur scène des corps présents. de genre présente une variété d’esthétiques et d’écritures, visuelles, musicales, des textes aussi, des mots. Certains se disent performances, d’autres se nomment spectacles, mais j’espère que toutes dansent !

Beaucoup de créations, répétées à KLap pour certaines ? 

Oui, c’est un festival de création.

Y a-t-il des propositions drôles, joyeuses ?

Peu, en dehors du Cabaret Shit show de clôture, à l’Embobineuse. Drôles à certains égards oui, profondément joyeux non, même s’il y a des audaces joyeuses qui naissent d’unenécessité d’expression accomplie. Le temps n’est pas à la joie, et on a surtout des parcours de douleurs qui doivent se dire, aujourd’hui encore, autour de ces questions-là.  

ENTRETIEN REALISE PAR AGNÈS FRESCHEL

+ de genre
Du 11 au 22 mars
Klap, Maison pour la danse, à Marseille 

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