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AccueilÀ la Une"Blue Sun Palace" : du bleu dans le blues

« Blue Sun Palace » : du bleu dans le blues

Fille d’immigrés chinois du Queens (New York), Constance Tsang offre dans Blue Sun Palace un premier film très personnel qui parle avec subtilité de l’errance et du deuil

On mange souvent dans le cinéma asiatique. Blue Sun Palace, bien que signé par la Sino- Américaine Constance Tsang, qui vit à New York, ne déroge pas à cette règle, s’inspirant des maîtres tel que Tsai Ming-liang. La jeune réalisatrice lui emprunte d’ailleurs pour le rôle masculin principal, son acteur fétiche, Lee Kang-sheng.

Le film commence dans un restaurant du Queens devant un poulet pimenté partagé par des amoureux rieurs. Il finit dans un établissement de Baltimore avec le même plat dégusté en solitaire. Rien d’anecdotique ici. Pour tous les exilés, les odeurs, les saveurs des plats du pays touchent à l’intime et à l’identité culturelle, au plaisir présent et à la nostalgie.

Didi (Haipeng Xu) est masseuse dans un salon newyorkais qui ne propose pas de services sexuels comme le stipule l’affichette sur la porte. De la ville occidentale, on ne voit presque rien. Les clients sont en majorité des hommes blancs. Les rumeurs urbaines s’échouent ici comme des vagues. Didi partage son lieu de travail, qui fait office de lieu de vie, avec trois collègues taïwanaises, immigrées comme elle. Elle a, on l’apprendra bien plus tard, une fille de 7 ans élevée à Baltimore par une tante, et a rencontré – sans doute à l’occasion d’un massage –, Cheung, un compatriote, employé dans une entreprise du bâtiment.

Bonheur simple

Toutes les semaines, il invite Didi au restaurant. Tous deux vont ensuite au karaoké. Un soir, la jeune femme l’emmène, contre le règlement, chez elle à l’insu de ses amies, collègues et colocataires. Au matin, un grand soleil éclaire la chambre. Pas de passion torride. Un attachement, une proximité, une tendresse. Peu de paroles entre les amants. Peu d’informations pour le spectateur. Ils rêvent au futur simple d’un bonheur simple : une maison près de la mer, un gros chien, de bons plats à savourer à deux… Didi donne à Cheung une photo d’océan.

Puis tout bascule à la suite d’une agression, le jour du nouvel an chinois, suggérant la violence latente portée aux communautés asiatiques en Amérique. Le film se déplace alors sur Amy (Wu Ke-xi), une de ses colocataires, au bord de la folie.

La réalisatrice inscrit tous ses personnages dans un espace contraint parfois fragmenté par le jeu des miroirs ou des voilages : les tables de restos, la cuisine des filles, l’entrée du salon, le couloir sur lequel s’ouvrent les cabines exiguës fermées par des rideaux, les escaliers de l’immeuble. La lumière arrive là, le plus souvent filtrée, tamisée.

Associant avec une grande maîtrise réalisme et stylisation, Constance Tsang nous installe dans la quotidienneté des gestes. Balayer, laver les vitres, ranger, préparer les repas, s’occuper du linge, masser les clients jusqu’à la limite de la masturbation, parfois demandée, parfois obtenue. À Baltimore, l’Atlantique se superpose à la photo offerte à Cheung par Didi. Un espace enfin ouvert et bleu à l’infini pour clore ce très joli premier film.

ÉLISE PADOVANI

Blue Sun Palace, de Constance Tsang

En salles le 12 mars

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