Initié dès 1989 par l’association Les Femmes et la Ville composée de chercheuses – et de quelques chercheurs – promotrices de l’histoire des femmes, le Dictionnaire des Marseillaises revient dans une troisième édition enrichie. Il rend visible celles qui ont marqué la ville. Par leur naissance, comme l’égérie révolutionnaire Cavale, leur vie, comme la militante anticolonialiste Baya Jurquet, leur passage – Simone de Beauvoir et tant d’autres –, ou leur mort, comme Louise Michel en 1905. Justice enfin, quand durant des siècles, l’histoire n’a gardé que la biographie des « grands hommes ».
Le « dico » déroule des centaines de figures individuelles, illustres comme Désirée Clary, Zizi Jeanmaire ou inconnues du grand public, surprenantes comme Béatrice Turelli, grand-mère maternelle de Nostradamus, ou Tante, première championne de « boules ». On y raconte aussi des aventures collectives comme celles des employées des Nouvelles Galeries dont 56 périrent dans l’incendie du 28 octobre 1938, celle des « Empoisonneuses », trois femmes qui, en 1868, sont accusées d’avoir assassiné leur mari dans le quartier du Panier… ou celles des mayrig « petite maman » en arménien qui, après le génocide, se réfugièrent à Marseille et y restèrent.
De l’ombre à la lumière
Une large attention est portée aux créatrices dans les arts et les lettres, comme la pianiste Youra, l’écrivaine Anna Seghers, aux femmes qui ont œuvré pour l’éducation des filles, à celles qui ont accédé de haute lutte aux métiers du journalisme (Zoé Laponneraye première signature féminine dans La Voix du Peuple en 1848), du barreau (Marie Thérèse Isnard en 1909), de la médecine, de la recherche, aux militantes syndicalistes, féministes, membres de partis politiques, aux résistantes comme Bertie Albrecht, Fifi Turin ou Mireille Lauze.
Impossible bien sûr de les citer toutes. Cet ouvrage magistral de 500 pages, magnifiquement illustré de photos, de cartes postales ou d’affiches donne envie de le dévorer d’un seul coup. On peut aussi préférer y picorer au fil du temps des biographies de ces femmes inspirantes qui, la plupart du temps dans l’ombre, ont œuvré à la construction d’une ville qui se conjugue au féminin.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Le Dictionnaire des Marseillaises : Gaussen éditions, sous la direction de Renée Deay-Bensousan, Hélène Échinard, Catherine Marand-Fouquet et Éliane Richard, avec 118 contributeurs, 502 pages, 35 €.
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