Une place avec des tapis, des chaises, des personnages en tenue orientale, femmes d’un côté, hommes de l’autre. En fond, une rangée de musiciens en djellaba et caftans et une image de Kasbah aux murs crème transportent le public sur une place qui pourrait être Jemaa el-Fnaa à Marrakech. C’est dans ce décor qu’Olivier Desbordes et la troupe de l’Opéra éclaté ont choisi d’installer Carmen, le personnage de Prosper Mérimée et de l’opéra de Georges Bizet, et de donner à la musique du compositeur une version arabo-andalouse.
On retrouve dans le spectacle tous les grands airs de l’œuvre comme Tu ne m’aimes pas ou Toréador. La Habanera et Sous les remparts de Séville ont été réorchestrés sur des rythmes orientaux. La production a rajouté à l’œuvre des airs chantés en arabe comme celui de Garcia, mari de Carmen interprété avec brio par Yassine Benameur. L’idée se tient parfaitement puisque l’Espagne fut occupée pendant des siècles par les Arabes chassés au XVe siècle après la Reconquista. Les Bohémiens, communauté de Carmen, deviennent ici des bandits des montagnes de l’Atlas. Jean-François Marras,qui incarne unDon José brigadier amoureux transis rendu fou par cette femme libre et volage, est extrêmement convaincant vocalement. Tragique, il est ovationné par la salle dans le solo La fleur que tu m’avais jeté.
Un Orient trop lointain ?
La mezzo-soprano Ahlmia Mhamdi interprète le rôle-titre. On a d’abord du mal à ressentir de l’émotion et de l’empathie pour cette Carmen dont le jeu scénique est, durant le premier acte, très nerveux, agité. Lorsqu’elle se pose enfin et s’ancre dans plus d’immobilité, elle donne alors toute la puissance à sa voix au timbre rond et sensuel. On a aimé la belle énergie du quatuor Frasquita (Sonia Menen), Mercedes (Sonia Skouri-Robert), Dancaire (Edouard Ferenczi Gurban) et Remendado (Yanis Benabdellah).
En fond de scène, disposés en long, les instrumentistes de l’orchestre Mare nostrum excellent dans ce mélange de genres musicaux. Le pari était risqué. Il est grandement réussi même si on aurait aimé que le parti pris « orientaliste » soit poussé jusqu’au bout en donnant plus d’authenticité à cette adaptation. Il y a parfois dans le jeu des acteurs un côté « farce » qui chagrine comme les costumes, très beaux certes, mais qui relèvent du déguisement. C’est dommage. Mention spéciale aux jeux d’éclairages magnifiques qui portent le spectacle de bout en bout et entraînent le spectateur dans l’ambiance tout en clair-obscur des soirées marocaines.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Carmen Al-Andalus a été donné le 6 et 7 mars à l’Odéon (Marseille)
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