Depuis ses 6 ans, Katrina Chaumont fréquente la psychiatrie au gré des internements successifs de sa mère bipolaire. Témoin impuissante des dysfonctionnements de cette institution, elle s’y affronte aujourd’hui dans sa première pièce, La Tête loin des épaules, créée à l’IMMS (Friche La Belle de mai).
Dans un espace scénique affranchi de toute formalité, Chaumont s’adresse au public – qu’elle accueille avec des tasses de café chaud – dans une sorte de conférence intime. Partant de l’expérience de sa mère, elle met méticuleusement à nu la déshumanisation à l’œuvre dans l’institution psychiatrique. Elle s’attaque sans détour à la médication et l’isolement des patients, des méthodes qui ne visent selon elle pas à soigner mais à maintenir en place un système de domination – des médecins sur les patients, de la société sur des malades perçus comme dissidents.
Ses mots et son jeu provoquent tour à tour le rire, la compassion et le malaise. Sa colère est communicative et grandit au fur et à mesure que son argumentation antipsychiatrique se précise.
« On se lève et on se barre ! »
Chaumont ne se contente pas de dresser un constat : elle veut proposer un modèle alternatif de soin, fondé sur l’accompagnement humain plutôt que sur la sédation. Ayant créé un sentiment collectif avec le public dès le début du spectacle, elle l’entraîne en extérieur pour une balade dans les rues de la Belle de mai. La colère laisse place à une fantaisie faussement naïve et franchement cathartique.
Le passage de la salle à l’extérieur, qui se conclut par un pique-nique et une discussion, permet à Katrina Chaumont de mettre en place une dialectique formelle et joyeuse qui amène à une conclusion simple mais radicale : seul le sentiment de communauté peut soigner en profondeur les souffrances psychiques.
CHLOÉ MACAIRE
La Tête loin des épaules a été joué du 8 au 10 novembre dans le cadre de la programmation de La Criée
À retrouver Du 16 au 19 avril au Théâtre de l’Astronef, Marseille
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