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« Refermer les tombes sans corps »

Le 24 avril 2025 commémore le 110e anniversaire du génocide arménien. Une célébration nécessaire pour « sortir de l’empêchement », comme le prône Éric Semerdjian

Éric Semerdjian, essayiste, est conseiller municipal marseillais en charge de l’innovation sociale et de la coproduction de l’action publique. Il est aussi petit-fils de réfugiés ayant fui le génocide des Arméniens de 1915. Dans Mémoire de la douceur qui vient (L’Harmattan, 2010), il explore les séquelles transgénérationnelles du génocide à travers une écriture mêlant l’intime et le politique. En retraçant l’histoire de quatre générations à travers des objets du quotidien – une bague, un cartable… – il interroge la transmission du traumatisme et les mécanismes silencieux de la mémoire collective.

« Mon livre s’adressait à mes enfants, mais aussi à mon père, dont le parcours d’intégration avait été obéré. Le poids de l’exil, le trauma transgénérationnel, et les difficultés sociales liées à l’immigration sont autant d’obstacles à la transmission. L’écriture permet de retrouver une parole face au silence génocidaire, de refermer des tombes sans corps. »

Ce silence, Éric Semerdjian le nomme « irradiation fondatrice ». Il traverse les corps, les relations à la vie, la mort, la filiation. Car l’absence de reconnaissance officielle du génocide par l’État turc prolonge une violence symbolique qui empêche le deuil et entrave la réconciliation.

En 2015, pour le centenaire, il publie L’Envers du chemin, texte accompagnant une exposition photographique réalisée avec Stéphane Dumont et présentée au Site-Mémorial du Camp des Milles. Ce parcours à rebours du temps retrace l’itinéraire de sa grand-mère à travers les lieux du génocide où toute trace a été effacée. « Sur la route du génocide, aucun monument, aucune stèle, aucun cimetière. Tout est anonymisé. »

La remontée depuis la frontière irako-syrienne, point d’aboutissement de la lente hémorragie des corps, qui le conduit à partir depuis Diyarbakir à Mardin, Derik, Ergani, Cermik, Cungus, Yenykov, Erganih, Maden, Izilpete, Surek, Elazig Harput, Tatvan, Sassoun, Bitlis, Lice, Mus. Il s’inscrit dans la continuité du travail de Jean Garbis Artin (1930-2012), fondateur de l’Aram (Association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne) à Marseille, dont les archives nourrissent également cette démarche mémorielle.

Ce travail résonne avec la pensée du juriste Raphaël Lemkin, qui a forgé le terme « génocide » en 1944 pour désigner le meurtre systématique des juifs et des roms, mais aussi en référence explicite au sort des Arméniens. Pour Éric Semerdjian, cet héritage le relie à toutes les luttes contre les discriminations et les oppressions contemporaines, à toutes les victimes et survivants de génocides. « Être le descendant de rescapés, c’est porter l’inquiétante étrangeté de celui qu’on a programmé pour mourir. »

Une histoire au présent 

À l’occasion du 110e anniversaire, il participera aux commémorations du 24 avril, organisées par le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF Sud) sous le slogan « 1915-2025 : 110 ans, toujours présents ! », et accompagnera le maire de Marseille en Arménie, lors du jumelage avec sa capitale Erevan du 1er au 7 mai 2025. Pour lui, cette mémoire doit se garder de la concurrence et du repli victimaire : « Commémorer le génocide arménien n’a de sens que si cela constitue une adresse à l’ensemble du monde. L’enjeu est de sortir du face-à-face pathogène entre bourreaux et victimes et de construire des formes de solidarité. »

Eric Semerdjian © X-DR

À l’heure où resurgissent des discours et des actes exterminateurs, Éric Semerdjian appelle que les génocides naissent d’un relâchement de nos vigilances. Affamer délibérément des civils ou attaquer des populations constitue un crime contre l’humanité. Comme le stipule l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, le génocide vise l’anéantissement total ou partiel d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. 

Lorsqu’il évoque la mémoire du génocide arménien, Éric Semerdjian ne se contente pas de regarder en arrière : il inscrit cette histoire dans les luttes d’aujourd’hui. À l’heure où les discours de haine et les violences de masse réapparaissent, cette parole héritée prend toute sa puissance : elle appelle à la vigilance, à la solidarité, et à la construction d’un futur commun, affranchi des répétitions de l’histoire.

SAMIA CHABANI

Une journée de commémoration à Marseille
À Marseille, les commémorations du 110ᵉ anniversaire du génocide arménien se déroulerontle jeudi 24 avril 2025. Le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) invite les citoyens à se réunir à 10h30 au Mémorial du génocide des Arméniens, situé avenue du 24 avril 1915 dans le 12ᵉ arrondissement de Marseille.

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