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La Nuit, la Guerre, la Lune

Trois ballets dont une création, une soirée d’exception était offerte au public monégasque par les Ballets de Monte-Carlo

Trois compositeurs, trois chorégraphes, trois ballets éminemment différents dans leurs formes se sont succédé sur la scène du Grimaldi Forum à Monaco. Et pourtant un même fil conducteur semblait dicter les pas des danseurs des Ballets de Monte-Carlo : une forme d’urgence, la vie qui tente de résister à l’ombre, à la noirceur, à la guerre, un rire qui perce dans une nuit bien sombre où la pleine lune peine à s’imposer.

La première pièce est signée du grand George Balanchine sur une musique de Paul Hindemith. Installé aux USA depuis 1933, le chorégraphe demande au musicien qui vient de fuir le régime nazi s’il accepterait de composer une musique de ballet à son intention. Ce sera les Quatre tempéraments créés en 1946 à New York.

La partition s’ouvre sur un thème en trois parties (modérato, allegro très vif puis à nouveau modérato) qui réapparait dans chacune des quatre variations. Ces dernières représentent chaque tempérament : MélancoliqueSanguin, Flegmatique et Colériqueexprimés par le mouvement et la danse.

Le ballet graphique, d’un classicisme contemporain et d’une épure minimaliste innovantepermet d’apprécier chaque geste chorégraphique. Il sied parfaitement à l’esthétique de Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo et à son goût pour la réinterprétation des grands classiques.

Les femmes sont en justaucorps sobres, noirs, les  hommes – que l’œuvre met particulièrement en valeur – en blanc. Les deux danseurs solistes Ige Cornelis et Jaeyong An sont exceptionnels tout comme la jeune danseuse monégasque Juliette Klein, ovationnée dans Colérique.

Danser, c’est résister

Lorsque la guerre en Ukraine éclate le 24 février 2022, Alexei Ratmansky est en pleine répétition de son ballet l’Art de la fugue au Bolchoï. Il annule sa création, quitte la Russie et retire tous ses ballets du répertoire moscovite. Dès lors, son engagement pro-ukrainien sera total. 

Wartime Elegy, élégie en temps de guerre est sa première réponse chorégraphique à l’invasion russe. Il le construit sur la musique néoromantique, mélodique et délicate, de Valentin Silvestrov, figure majeure de l’avant-garde ukrainienne. Quatre tableaux se succèdent, allers-retours entre afflictions des huit danseurs en justaucorps noirs aux mondes colorés et chatoyants de la danse folklorique évoquant la survivance de la culture et de l’âme du pays.

Sa composition peut sembler simpliste : un « avant » lumineux et heureux fait de joie et de polkas, un « présent » sombre, dramatique et la mélancolie profonde liée à la perte, aux deuils. Mais face à l’urgence, aux combats, à l’horreur de la guerre, est-il vraiment possible de faire dans la subtilité ? 

Dernier ballet et non des moindres la puissante création de Marco Goecke sur La Nuit transfigurée de Schoenberg, interprétée magistralement par l’orchestre philarmonique de Monte-Carlo.

Le chorégraphe allemand (nommé pour la saison 2025/26, directeur artistique du ballet du Théâtre de Bâle) plonge dans l’atmosphère mystérieuse et organique de la nuit dans laquelle les danseurs créent leur propre cosmos. Un cosmos délirant, halluciné, exalté dans lequel des petits bonhommes nerveux et agités, sifflant, grognant, comme des petits personnages de jeux vidéo en quête d’une mission obscure, se déploient avec des mouvements rapides, saccadés, fragmentés. C’est tout un univers fébrile qui se développe devant nous jusqu’au retour de la lune, pleine, consolante qui veille avec bienveillance et avec elle l’espoir d’un monde plus doux, d’un monde paisible.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le spectacle s’est déroulé le 24 avril au Grimaldi Forum, Monaco.

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