Il y a les mères juives, les mamme italiennes et … les mothers irlandaises avec ce deuxième long métrage de Darren Thornton. Quatre pour le même homme quand une seule, c’était déjà beaucoup !
Edward (James Mc Ardle) vit dans une banlieue pavillonnaire de Dublin, seul avec Alma ( Fionnula Flanagan) sa maman, veuve et en perte d’autonomie. Depuis son AVC, elle n’a plus l’usage de la parole, communique à l’aide d’un Ipad qui fait entendre une voix synthétique de GPS et…des ordres. La volonté de la vieille dame s’exprime aussi par un regard éloquent, à l’impératif catégorique. Edward est gay, célibataire, et au bord de la crise de nerf, comme ses copains homos, en charge comme lui de leurs mères octo ou nonagénaires. Entre toilette, préparation des repas et du pilulier, visite au cimetière d’un père qui on le devine n’a pas toujours été tendre, Edward doit faire la promotion de son roman – une histoire d’amours homosexuelles, qui vient de sortir aux USA. On lui propose une attractive tournée là-bas. Mais il devra placer sa mère dans une maison de retraite pendant 15 jours. Le voilà dans les affres de la culpabilité, incapable de dire ni oui ni non- ni d’en parler à la principale intéressée. Tandis qu’il tergiverse, ses potes moins indécis que lui, profitant lâchement de sa faiblesse et de sa gentillesse, maladives, lui laissent leurs mères à l’improviste et partent en Espagne s’éclater à la Maspalomas Pride. Edward a quadruplé son problème, appelle à l’aide un ex-amant et c’est très drôle. Comique de situation avec décalages et dérapages parfaitement contrôlés et rythmés. Comique de caractère soutenu par l’interprétation impeccable des acteurs.
Inspiré d’un film de Gianni Di Gregorio Le Déjeuner du 15 août, le scénario co-écrit par le réalisateur et son frère Colin, se nourrit de leur expérience avec leur propre mère dont ils ont dû s’occuper à la fin de sa vie. Comme toute comédie réussie, Mamie-Sitting extrait le rire de la tragédie, ancre les personnages dans une société et un temps donnés tout en les rendant universels. Portraits de mères aux personnalités différentes, dont on devine par touches discrètes, le parcours de femmes, les questions face à l’homosexualité de leur fils dans cette très catholique Irlande, la solitude, la peur ou la révolte face à la dépendance. Tyranniques, vulnérables, un peu foldingues ou revêches, parfois indignes, jamais caricaturées.
Il se dégage de ce film une infinie tendresse et une confiance en la vie qui font du bien.
ELISE PADOVANI
Prix du Public au BFI London Film Festival 2024 et Silver Q-Hugo au 60ème Festival International du Film de Chicago.
Sortie en salles, le 2 juillet