Parce qu’il a été trahi, il a juré de faire exécuter chaque matin la femme qu’il aura épousée la veille. Alors Shéhérazade parle. Chaque nuit. Des histoires qui s’enchaînent, se tressent, et s’interrompent à l’aube pour retarder la mort. C’est dans cette frénésie vitale et fabulatrice que Marlene Monteiro Freitas ancre NÔT, création envoûtante, et première œuvre chorégraphique à ouvrir, en 79 éditions, la Cour d’honneur du Festival d’Avignon le 5 juillet prochain. La chorégraphe capverdienne y engage les corps dans un rituel d’histoires suspendues, de récits diffractés, de vérités remodelées. Une nuit de plus, dit-elle. Comme une réponse obstinée à la logique du pouvoir qui se voudrait définitif, tranchant. Une nuit de plus, comme Shéhérazade qui, conte après conte, retarde l’issue.
Éloge de la différance
Ici, la danse prend le relais de la parole: elle interrompt, elle prolonge, elle résiste. La gestuelle de Marlene Monteiro Freitas est un débordement : visages contractés, mouvements heurtés, rythmes dissonants. Dans la Cour d’honneur du Palais des papes, les huit interprètes surgissent, masqués, grimés, démesurés. Des fantômes bavards qui, à défaut de parler, dansent pour ne pas mourir. La scène est un champ de forces : beauté et grotesque, désir et cruauté, rire et tension.
On retrouvera sans nul doute la signature de Monteiro Freitas : foisonnement visuel, théâtralité débordante, ambiguïté et beauté queer comme ligne directrice. Mais NÔT creusera un sillon moins obscur : celui qui croit encore possible de différer l’exécution.
SUZANNE CANESSA
Du 5 au 11 juillet
Cour d’honneur du Palais des Papes
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