Zébuline. Dans Mami Wata, votre septième album, il est question d’eau, et de féminité.
Ayo. Oui, je l’ai dédié à l’océan et à la féminité, Mami Wata, c’est une déesse dans la religion yoruba, qui est aussi ma tribu et celle de mon père [au Nigéria, ndlr]. En tant que mère de trois enfants, je dis toujours que la vie commence dans l’eau, quand on est enceinte, c’est comme si on avait un océan en nous et pour moi c’est assez symbolique. Aussi, je parlais de féminité, il y a une chanson qui s’appelle Woman, qui donne une voix aux femmes qui n’en ont pas, qui ne sont pas entendues. Pour moi, c’est très important d’être solidaire avec une sœur, j’aime bien voir les femmes comme si nous étions toutes liées.
Il y a aussi un hommage à Mahsa Amini, l’étudiante assassinée par la police des mœurs iranienne.
Oui, mais c’est aussi un hommage à toutes les autres femmes qui se font tuer par le régime iranien. C’est Mahsa qui m’a inspirée, c’est grâce à elle que j’ai fait des recherches sur ce sujet et tout ce que j’ai trouvé m’a tellement brisé le cœur. On est en 2025, et on parle encore de pays où certains n’ont pas le droit de s’exprimer ni de porter ce qu’ils veulent… On doit être tous ensemble, on ne doit pas faire comme si on ne voit pas ce qu’il se passe ailleurs. On ne peut pas dire que ça ne nous concerne pas.
Vous parlez aussi des violences domestiques et sexuelles dans votre album, pour vous c’est important d’évoquer ces problématiques à travers la musique ?
Très important. Je crois même que l’on connait tous quelqu’un qui a vécu ou qui a eu des problèmes à la maison… c’est presque normal. Il y a beaucoup de femmes qui se font violenterpar leur mari… alors, j’essaye trouver une façon de parler de ces sujets sans être trop dans le négatif.
Vous parliez de cette inspiration de la culture de votre père, vous êtes né en Allemagne, est-ce une manière de vous reconnecter avec vos racines nigérianes ?
Je dis toujours que c’est presque comme si je n’ai pas vraiment besoin de me reconnecter à mes racines. Je suis née et j’ai grandi en Allemagne, mais il n’y avait pas un jour où quand j’allais à l’école je n’entendais pas les insultes racistes de la part d’autres enfants. On ne peut pas être déconnecté de nos racines, c’est plutôt l’opposé en fait, on se connecte encore plus. Aujourd’hui, je me sens comme une citoyenne du monde avec tous les endroits où j’ai vécus, les gens que je vois et tout ce que j’ai fait.
C’était difficile pour vous en tant qu’artiste féminine afrodescendante de vous faire une place dans la scène musicale ?
À mes débuts en France, on m’a dit « ah non, nous on a déjà un artiste noir », donc ils n’ont pas voulu me signer alors qu’on ne va jamais dire « j’ai déjà un artiste blanc ». Ça m’a choqué à l’époque. Aujourd’hui, je ris de ça, mais ce n’était pas facile, et je suis contente de voir qu’aujourd’hui ce n’est plus comme ça.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LILLI BERTON FOUCHET
Les Nuits d’Istres
Du 7 au 11 juillet
Pavillon de Grignan, Istres
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