Le Festival de la Roque d’Anthéron se décline hors-les-murs entre tradition picturale et avant-garde
Sous les lumières tamisées du Musée Granet à Aix-en-Provence, puis dans l’acoustique attentive de l’auditorium Marcel Pagnol, l’édition 2025 offre un double visage, à la fois intime et expérimental, qui a su captiver un public comme toujours nombreux, curieux et exigeant.
Nathalia Milstein, un Chopin ciselé dans l’écrin de Cézanne
Lundi 4 août, sous le regard des toiles de Cézanne, Nathalia Milstein proposeun récital où Schumann et Chopin dialoguent comme les couleurs d’une même palette. Les Scènes de la forêt op. 82 de Schumann se déploient comme autant de petits tableaux : du Chasseur aux aguets à l’Adieu empreint de douceur, chaque pièce dessine un univers sonore précis, tout en nuances.
Avec les Mazurkas op. 50, Milstein donne à entendre un Chopin méditatif, presque aérien, où la liberté des tempi invite à la rêverie. L’intégrale des 24 Préludes opus 28 se dévoile comme un kaléidoscope d’émotions et de textures, du premier prélude au vingt-quatrième presque orchestral. La pianiste, loin d’une démonstration technique pure, fait preuve d’une interprétation picturale et vivante, où chaque phrase semble s’imprégner des couleurs impressionnistes du lieu.
Márton Illés et l’atelier du son en scène
Jeudi 7 août, le Centre Marcel Pagnol a accueilli une expérience rare : une répétition publique consacrée aux œuvres du compositeur hongrois Márton Illés. Sous le regard passionné du compositeur, Florent Boffard et les instrumentistes complices ont exploré un langage musical novateur, où les gestes, les nuances et les techniques étendues redéfinissaient la production sonore.
Les pièces Drei Aquarelle et Négy Tárgy ont mis en lumière une esthétique du détail, du frottement d’archet sans attaque aux résonances obtenues par des objets non conventionnels, brouillant les frontières entre instruments et sons. Plus qu’un concert, ce laboratoire sonore sollicite tout particulièrement le piano tous terrains de Jiyoun Shin. Et révèle la genèse même de la musique d’aujourd’hui, avec ses questionnements et son intensité dramatique, inscrivant Debussy et Bartók en arrière-plan comme des ombres tutélaires. Un moment tout simplement passionnant.
SUZANNE CANESSA