Le pianiste Rémy Cardinale, le violoniste Girolamo Bottiglieri et le violoncelliste Emmanuel Balssa forment L’Armée des romantiques ; un bien joli nom qui esquisse une filiation avec de grands prédécesseurs que sont Victor Hugo, Berlioz, Chopin, Goethe, Schiller, George Sand, Mary Shelley et tous ceux qui défendirent une conception du monde armés de textes, de poèmes et de partitions. Ces convictions Rémy Cardinale entend les perpétuer. En partenariat avec le bureau de production Prodig’art, cette armée poétique a imaginé un nouveau festival : Les Passions Marseillaises. L’ambition ? Mettre à l’honneur l’amour historique des Marseillais pour la « grande » musique.
L’orchestre Thubaneau
Le premier volet du festival plonge dans une aventure fascinante. À travers une pièce originale, on découvre la vénération portée au XIXe siècle par des musiciens marseillais à Beethoven, maître du romantisme naissant. Cette passion, attestée par les travaux de l’historienne Anik Devries-Lesure, était si intense qu’elle poussa ces mélomanes à fonder l’orchestre Thubaneau pour interpréter – avant Paris – les œuvres du génie de Bonn.
Sur scène, nos musiciens sont en répétition. Surgit brusquement le docteur Fabre – incarné par un Jean Manifacier, comédien habitué au théâtre musical, en grande forme. Ce personnage haut en couleur assure avoir croisé Beethoven dans les rues de Marseille et s’être vu confier les derniers opus du prodige. La galéjade est ponctuée de moments d’émotion lorsque l’acteur aborde la lecture du Testament d’Heiligenstadt, lettre déchirante écrite par le compositeur de 32 ans dans laquelle il confesse qu’en perdant l’ouïe, il perd foi en la vie. Puis vient une traversée d’extraits de symphonies arrangées pour trio et de sonates devenues immortelles pour clore le spectacle. L’écrin désuet du Théâtre de l’Œuvre – à deux pas de la rue Thubaneau – se prête à merveille à un spectacle magnifié par les illustrations remarquables de Pierre Créac’h projetées en guise de décor.
Hommage à Régine Crespin
Le lendemain, c’est au Conservatoire Pierre Barbizet que sera rendu un hommage à la soprano Régine Crespin. Un lieu symbolique car c’est ici qu’elle étudia et fit ses adieux en 1988. Accompagnés par Cardinale au piano, la mezzo-soprano Lucie Roche et le ténor Carl Ghazarossian ont offert au public un florilège de mélodies françaises dont raffolait la diva.
Le concert s’ouvre sur des pages de Berlioz, puis de Gabriel Fauré avec Prison et Clair de Lune sur des textes de Paul Verlaine. Ce sera ensuite Duparc avec L’Invitation au voyage, poème de Baudelaire mis en musique, dont Lucie Roche livre une belle interprétation. Elle se révèle tour à tour magnifique tragédienne et comédienne pleine d’esprit dans Je te veux, d’Erik Satie.
Un piano d’exception
De son côté, Rémy Cardinale interprète La Cathédrale engloutie de Debussy, moment d’exception sur un piano Erard de 1895 à cordes parallèles. Cette manufacture légendaire et cette assemblage particulier des cordes ont donné naissance à un instrument aux harmonies plus claires et dont il semble que les touches continuent à faire vivre la note longtemps après qu’on a cessé de la jouer.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Les spectacles se sont déroulés les 19 et 20 septembre, Marseille
Retrouvez nos articles On y était ici