En 2004, on avait pu voir 10e chambre – Instants d’audience : de mai à juillet 2003, Raymond Depardon et son équipe avaient filmé le déroulement des audiences de la 10ème Chambre Correctionnelle de Paris, nous plongeant dans le quotidien d’un tribunal : douze affaires, douze histoires d’hommes et de femmes face à la justice. 20 ans plus tard Alice Odiot et Jean‑Robert Viallet nous immergent dans une salle d’audiences de Marseille où un juge gère les affaires en comparution immédiate. Des accusés impliqués à divers degrés dans des trafics de drogue : jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, petites mains, guetteurs, dealers, Certains nient, d’autres essaient d’apitoyer le juge, expliquant leur délit par une enfance difficile dans des cités où ils ont été recrutés par des dealers, où ils ne voyaient pas d’autre choix possible. Certains n’envisagent pas un seul instant de retourner en prison « La prison me rend fou. Je ne peux pas supporter d’être loin de ma mère ! Devant ces situations plus terribles les unes que les autres, on se sent impuissant, on compatit. On est irrité devant l’attitude de certains comme ce vieux dealer dont le fils s’est pendu en prison et qui n’hésite pas à impliquer dans son trafic, son petit –fils ! On comprendrait que le juge perde son sang froid face à tant de mauvaise foi, ce qui ne lui arrive pas. Il reste d’un calme olympien, pose des questions précises, repère les incohérences, maniant l’ironie quand certains accusés se moquent ouvertement de lui. La caméra d’Antoine Héberlé et de Jean‑Robert Viallet filme de près les regards, les gestes, les mains du juge qui manipule sans cesse un élastique, les larmes de ceux qui espéraient échapper à la prison. On est ému devant certains qui disent regretter leurs actes, promettant de ne pas recommencer. On aimerait y croire, espérer qu’il y aura peut être une solution et la détresse de certains, dont cette jeune femme, battue, enceinte, obligée à servir de nourrice » nous laisse sans voix.
Ce documentaire, à la mise en scène sobre, fait approcher, de très près, une justice qui souvent n’a pas d’autre solution que la répression, la prison. Et n’y aurait il pas d’autres solutions ? N’y aurait-il pas un moyen pour éviter les récidives ? Le film d’Alice Odiot et Jean‑Robert Viallet ne donne pas de réponse mais y fait réfléchir. Et comme le disent certains cinéastes « Le cinéma ne change pas le monde mais peut changer ceux qui le regardent »
Annie Gava
Stups en salles le 1er octobre
© JHR Films