Sarah Grace Graves, Lautaro Figueroa Balcarce, Masahiro Aogaki et Alexandru Sima, jeunes compositeurs aux CV déjà bien étoffés ont été accueillis salle Musicatreize pour suivre quatre jours d’ateliers. Ils font partie de la quatrième promotion du dispositif Avec (Atelier voix et composition) porté par Les Cris de Paris. Ce compagnonnage d’un an va leur permettre d’approfondir la composition pour la voix, guidés par une équipe artistique d’exception.
« La voix n’est pas un instrument comme les autres », explique d’emblée Geoffroy Jourdain, fondateur des Cris de Paris qui allie érudition, rigueur académique, passion et élégance du pédagogue. « Elle dépend de la physiologie, de la psychologie, des émotions. Chaque chanteur possède une tessiture et un timbre unique. De même, les ensembles ont leurs couleurs, leurs pâtes modelées par un chef qui joue avec les complémentarités ». Dès lors, si composer pour la voix s’annonce comme un geste créatif passionnant, il est aussi oh combien subtil.
État de l’art vocal
Le week-end s’est ouvert sur une plongée dans l’histoire de la composition vocale. Jourdain rappelle que durant la période baroque, les compositeurs étaient aussi chanteurs d’Église. Quand la musique se sécularise, l’expérience vocale prend d’autres chemins.
Vincent Manac’h, chanteur (Les Cris de Paris, Pygmalion), compositeur d’œuvres pour voix a capella et enseignant à l’Université Paris 8, prend le relais pour un voyage du renouveau choral romantique vers les écoles nationales du XXe siècle. Les Liedertafeln transforment la musique chorale. Elle n’a plus seulement une fonction à l’église ou à la cour, mais devient un espace de divertissement.
Les exemples pleuvent, vivants, incarnés, accompagnés d’écoute et d’analyse de partitions. Mendelssohn et sa vision orchestrale de la voix, le naturalisme de Schubert, Schumann et sa relation à la poésie, Brahms dirigeant ses chœurs jusqu’aux visions d’un Schoenberg et les défis contemporains.
Et la transmission
Ce qui frappe dans ces ateliers ouverts – quelle chance – au public, c’est la qualité de la transmission. Aucun à priori esthétique ne bride l’exploration, mais tout pousse à réfléchir aux implications que la voix permet ou interdit.
Les jeunes compositeurs découvrent qu’il est bon de « penser au confort et au plaisir du chanteur », que Richard Strauss écrivait des partitions « techniquement inchantables », « qu’une voix n’est pas stable sur toute sa tessiture ».
Le samedi et dimanche, Marie Picaut, Mathieu Dubroca et Benjamin Locher ont abordé le terrain plus technique de la physiologie de la voix et du travail du chanteur et les spécificités des voix féminines et masculines. Morgan Jourdain, s’est, lui, penché sur la voix de l’enfant et de l’adolescent.
Enfin, Roland Hayrabedian, chef de chœur et maître du lieu, fort de quarante années de création contemporaine, a clôturé cette première session par un témoignage riche d’enseignements pour la jeune génération.
La formation mènera ensuite nos quatre élèves à Lyon et à Versailles. Ils devront composer des œuvres originales pour trois ensembles hexagonaux parmi lesquels le Choeur Attaca de Sébastien Bouin (Marseille). L’œuvre produite pourra être entendue lors des Rencontres Chants Libres en Dracénie, fin juin 2025.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Les ateliers se sont déroulés du 25 au 29 septembre salle Musicatreize, Marseille.
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