C’est à une exploration généreuse et subtile du répertoire clarinette-piano que David Kadouch et Pierre Génisson nous ont conviés ce 20 septembre. Du romantisme allemand le plus irréductible à ses déclinaisons françaises, le duo convoque des couleurs et des esthétiques voisines, portées par une entente et une musicalité tangibles.
Si l’on pourra regretter l’absence de De Falla au programme, au profit de Poulenc, force est de constater que le programme se révèle peut-être plus cohérent ainsi. Dans les pièces de fantaisie de Schumann, la clarinette de Pierre Génisson demeure souple, précise et chantante ; elle laisse toute la place au piano de David Kadouch pour déployer sa précision et la clarté de ses lignes. Le jeu reste lumineux, sans surcharge expressive. Le choix d’un tempo vif et d’un phrasé limpide donne à l’ensemble un caractère presque chambriste, loin des visions tourmentées ou de la dualité d’humeurs que d’autres interprétations ont davantage soulignées. Sur Brahms, c’est encore le goût de la clarté qui prime. Les attaques sont nettes, les silences bien posés, les respirations communes : une lecture droite, presque beethovénienne qui secoue quelque peu les murs rigides de la Salle La Major.
Mélancolies françaises
Au retour de l’entracte, on est toujours en terrain romantique, mais de l’autre côté du Rhin. La sonate de Camille Saint Saëns est ici d’une densité et d’une tension remarquables. Le Lento terrasse l’auditoire par sa gravité et sa profondeur, avant que la légèreté et la virtuosité du dernier mouvement ne nous ramènent à la surface. La sonate de Poulenc conclut en beauté le concert : composée peu avant sa mort, et destinée alors à Leonard Bernstein et Benny Goodman, la pièce surprend par l’originalité de sa structure et les joyeux dérèglements de son langage. Pas d’ironie soulignée ni de rupture exagérée dans cette interprétation fidèle et délicate : les traits jazzés sont habilement suggérés, les couleurs mouvantes soigneusement dessinées. Le bis, la très belle berceuse Wiegala d’Ilse Weber – chant d’exil, chant d’adieu composé à Theresienstadt – s’impose sans mot, juste par la retenue.
D’une génération à l’autre
Dimanche 28 septembre à 11h, au Foyer Ernest Reyer de l’Opéra de Marseille, Marseille Concerts accueillera Ryan Wang. Âgé de 17 ans, le pianiste canadien s’apprête à participer au Concours Chopin de Varsovie, où il compte parmi les favoris. À Marseille, il présentera un programme chopinien ambitieux : les 24 Préludes op. 28 et les Variations « Là ci darem la mano » op. 2, hommage du pianiste monomaniaque à Mozart et sa monumentale œuvre opératique (voir notre compte-rendu de ce récital à La Vague Classique ici)
SUZANNE CANESSA
Le concert a eu lieu le 20 septembre dans la Salle La Major du Palais du Pharo dans le cadre de la saison de Marseille concerts
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