Une rue, la nuit. Une jeune femme qui se fait agresser, s’enfuit et monte dans un bus, l’air hagard. Un passager la regarde fixement. Cette séquence initiale du film de David Roux, La Femme de, adapté du roman d’Hélène Renoir, Son nom d’avant (1998) trouvera son sens plus tard.
La Femme de, c’est Marianne, la quarantaine (superbe Mélanie Thierry) qui arrive avec son mari, Antoine (Eric Caravaca) et leurs deux enfants, Laure une adolescente et le jeune Tim, dans une grande maison bourgeoise. La grand -mère vient de mourir et Antoine, le fils ainé, un riche industriel, gère le conseil de famille comme il dirige son entreprise et décide reprendre la maison, rachetant les parts des autres, malgré l’opposition de sa sœur Lili, qu’il chasse. Il faut que quelqu’un s’occupe du patriarche, impotent. Ce sera Marianne ! Dans cette riche famille catholique traditionnelle, on prépare la confirmation de Laure, on organise des repas. Tout repose sur Marianne à la disposition du grand -père, autoritaire, méprisant, dont elle doit s’occuper sans cesse dès qu’il la sonne ! Délaissée par Antoine, maltraitée par sa propre fille…Seul son beau- frère (Arnaud Valois) lui accorde attention et baisers… Peu à peu, Marianne se rend compte que cette demeure familiale est une prison dorée dans laquelle elle s’est laissée engloutir : obligations quotidiennes et sociales rythment sa vie. Un jour, un passé oublié ressurgit….
La caméra d’Aurélien Marra filme comme un véritable personnage cette maison aux multiples fenêtres, décorée avec soin par Chloé Cambournac; les plans de Marianne devant son bow-window révèlent tour à tour sa détresse et ses interrogations existentielles. On retrouve dans ce huis- clos l’atmosphère des films de Chabrol. Mélanie Thierry interprète à merveille cette femme au tournant de sa vie ; elle est de tous les plans et son visage exprime superbement sa blessure, ses doutes et ses questions sur l’avenir.
Un film qui met en question le pouvoir du patriarcat et donne l’espoir d’une émancipation.
Annie Gava