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Que reste-t-il de nos amours ?

Au Pavillon Noir, Ben Duke passe le mythe de Roméo et Juliette au vitriol

Au Pavillon Noir, Ben Duke passe le mythe de Roméo et Juliette au vitriol

Et si Roméo et Juliette avaient survécu ? Si, vingt ans après, les amants de Vérone se retrouvaient englués dans les compromis, les rancunes et les petits naufrages du quotidien ? Le chorégraphe britannique Ben Duke, figure majeure de la scène contemporaine avec sa compagnie Lost Dog, s’empare du mythe shakespearien pour en faire une comédie désenchantée, drôle et cruelle à la fois, où l’amour s’essouffle dans le mouvement même de sa représentation.

Sur scène, Ben Duke et Solène Weinachter font face à un public érigé en thérapeutes de couple. Ils rejouent, non sans les modifier et les commenter amplement, leurs souvenirs d’adolescents tragiques. Ils se testent, s’interpellent, s’invectivent. Le théâtre et la danse s’entrelacent dans un dialogue efficace nerveux où la physicalité devient langage conjugal : portés qui s’effondrent, étreintes qui virent à la lutte, gestes qui traduisent la fatigue d’aimer. Tout passe par le corps — la transe, le dégoût, le désir, puis la lassitude. Mais aussi par un texte bien senti, qui sait doser humour et émotion.

L’idiot et l’emmerdeuse

La verve anglo-saxonne transparaît dans la virtuosité et la versatilité du jeu : les interprètes sont acteurs autant que danseurs, et manient la parole avec une précision comique et un sens du rythme qui rappellent la rigueur du théâtre britannique. La pièce n’échappe pas à quelques clichés : querelles domestiques, lassitude, traits genrés. Et si ce portrait certes hilarant, mais un peu attendu, faisant de la belle et poétique Juliette une emmerdeuse en puissante, et du querelleur Roméo un idiot patenté, la simplicité du dispositif et la sincérité l’emportent. Là où le Baz Luhrmann de son enfance glorifiait le clinquant et la passion adolescente, Ben Duke montre l’après-coup, le moment où la légende s’effrite et où l’on continue pourtant de jouer sa partition.

Une allusion fugace à The Graduate – l’autre histoire d’un couple désenchanté – vient sceller ce regard tendre et lucide sur l’usure des corps. Roméo et Juliette, devenus quadragénaires, n’ont plus la fougue de leurs vingt ans, mais conservent une beauté mélancolique : celle de ceux qui, ayant aimé trop fort, n’ont plus d’autre choix que d’en chérir le souvenir.

SUZANNE CANESSA

Juliet & Romeo a été joué les 15 et 16 octobre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence.

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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