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AccueilÀ la Une« Être seule, c’est aussi se libérer »

« Être seule, c’est aussi se libérer »

Avec Enfin seule ! (Allary Éditions), présenté à la librairie Maupetit, Lauren Bastide explore un tabou tenace : la solitude féminine

Avec Enfin seule ! (Allary Éditions), présenté à la librairie Maupetit, Lauren Bastide explore un tabou tenace : la solitude féminine

La salle est comble. Des femmes de tous âges sont venues écouter Lauren Bastide. Trois hommes seulement dans le public. Rien d’étonnant pour cette voix du féminisme français, qui, depuis des années, œuvre à rendre visibles les questions de genre.

Journaliste, Bastide a fondé Nouvelles Écoutes, studio pionnier du podcast engagé. Elle y a créé La Poudre, série d’entretiens avec des artistes, militantes et intellectuelles, devenue un phénomène culturel.


Côté écriture, elle s’est fait remarquer avec Présentes – Ville, médias, politique… quelle place pour les femmes ? (Allary, 2020), manifeste dénonçant leur invisibilisation dans l’espace public. Avec Enfin seule !, Bastide s’attaque à un nouveau tabou : la solitude féminine. « Les femmes ont mis des siècles à obtenir le droit d’être seules, et pourtant, elles la vivent encore comme un échec », déplore-t-elle.

La solitude, un choix politique

La méthode Bastide : mêler analyse historique et récit intime. Elle écrit à la première personne, glisse dans le texte des pages de son journal intime mais convoque aussi la philosophe Gabrielle Suchon, autrice de Du célibat volontaire, ou la vie sans engagement (1700), qui revendiquait l’autonomie des femmes à une époque où elles n’existaient que « comme épouse ou bonne sœur ». « La seule troisième voie, c’était de devenir veuve : le jackpot » ironise Bastide. Elle rappelle que la Révolution française n’a concerné ni les femmes ni les personnes racisées, et que le XIXᵉ siècle a inventé la mère au foyer, modèle que les néoconservateurs glorifient encore.

Changer le regard

Bastide appelle à transformer la vision de la femme « seule », comprendre hors couple. Changer le regard, aussi des femmes elles-mêmes : « Le patriarcat n’a pas besoin de gardien de prison. Les femmes se soumettent d’emblée au modèle qu’on leur a imposé. » Elle invite à s’instruire, à déconstruire les injonctions à plaire, à en finir avec l’auto-sabotage : « Je suis trop vieille, trop grosse, trop moche, trop conne… »

L’autrice s’interroge aussi sur le modèle de la famille nucléaire, datant du XIXe siècle. Pourquoi a-t-elle remplacé la « maisonnée » élargie, en devenant ce foyer fermé à double tour ? « Pour mieux y dissimuler les violences ?»

Dans Enfin seule ! la solitude devient promesse : celle d’une reconnexion. « Seule, on ouvre sa maison. On la politise. Cultiver la solitude, c’est paradoxalement rompre avec l’isolement. » Elle exhorte les femmes à écrire, à reprendre la parole. Un témoignage vient bouleverser la salle : « Après quarante ans de mariage malheureux, j’ai réussi à quitter mon mari et je me sens tellement mieux », confie une dame âgée, ovationnée par le public.

Ce que l’autrice oublie

Si engagé et accessible, Enfin seule ! est un essai salutaire. On regrette cependant qu’il passe sous silence la réalité économique de nombreuses femmes. Or la liberté a un coût. Et c’est souvent là que se joue la possibilité – ou non – d’une solitude réellement choisie.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

La rencontre s’est déroulée le 29 octobre à la librairie Maupetit, Marseille.

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