Reprise attendue du spectacle créé il y a dix-huit ans par le Théâtre du Maquis, La Compagnie des spectres, quipoursuit sa route à L’Ouvre-Boîte (Aix-en-Provence)
Rose et sa fille Louisiane vivent recluses dans une cité. Un huissier frappe à la porte : inventaire avant expulsion. Mais pour Rose, le visiteur n’est autre qu’un envoyé de Darnand, ou pire, du Maréchal « Putain ». Son frère, résistant de 18 ans, a été assassiné par la milice ; depuis, le temps s’est figé.
Sur scène, un quasi-rien de décor : une table, une chaise, un miroir, quelques objets détournés, et c’est tout un monde qui surgit. Pierre Béziers dirige Florence Hautier au plus près du souffle : geste mesuré, parole offerte, justesse du corps. On touche ici à une forme de théâtre d’objet intérieur, où chaque accessoire – paquet de cigarette, verre d’eau – devient relais de mémoire et d’incarnation. Car Florence Hautier incarne tout : la mère, la fille, l’huissier, les spectres… avec une générosité qui refuse l’effet. Une main posée, un ventre ployé, un regard qui se perd : autant de signes minuscules qui suffisent à faire exister l’autre. Elle navigue dans la langue mouvante de Lydie Salvayre avec jubilation et précision, gardant son humour corrosif, sa désespérance, sa tendresse. On rit parfois, mais on tremble aussi : la folie de Rose est une clarté douloureuse sur notre monde.
Car si le texte date de 1997, il résonne en 2025 avec l’inquiétude d’aujourd’hui : celle des expulsions, des frontières, de la peur. La logorrhée maternelle, drôle et tragique, dit aussi l’angoisse d’un présent rongé par la haine de l’autre, collective, institutionnalisée. 18 ans après la première création, l’actrice a voyagé vers la mère, comme si le rôle avait mûri avec elle. Il y gagne sans doute en gravité et en mélancolie.
SUZANNE CANESSA
À venir
La Compagnie des spectres
Les 13, 14, 15 novembre puis les 20, 21 et 22 novembre
Théâtre de L’Ouvre-Boîte, Aix-en-Provence
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