Avec Cinq Versions de Don Juan, Josette Baïz célèbre une icône en mouvement
Sur le plateau du Grand Théâtre de Provence, la chorégraphie de Josette Baïz déploie une énergie captivante, portée par des danseurs doués, généreux et à l’écoute les uns des autres. Chaque geste dialogue avec l’autre, chaque mouvement informe le suivant. Ici, le séducteur devient miroir des désirs et résistances féminines, figure insaisissable et fascinante, au cœur de la danse autant que de l’imaginaire. Lacan le rappelait volontiers : Don Juan est aussi, et peut-être même avant tout, un fantasme féminin. Miroir des identités, désirs mais aussi des résistances, figure insaisissable et fascinante : le personnage avait de quoi intéresser la danse, lieu de l’intime, de l’imitation et de l’échange.
L’amour en étendard
Le premier acte, intitulé Démesure, ouvre la pièce dans un trouble sensuel : un trio vibrant, presque fusionnel, rappelle que le véritable couple chez Molière fut toujours un trouple – Don Juan, Sganarelle et Elvire. Entre étreinte et fuite, c’est la tension de la possession et de la perte qui s’y joue.
Mais très vite, Rébellion prend le relais : la pulsation du krump, brut et viscéral, électrise le plateau. La révolte prend naissance dans les corps féminins ; la douleur se mue en énergie, en revendication, en joie rageuse : et vient enfin la Libération, avec ses accents et déhanchés orientaux, ses bras qui s’élèvent comme des étendards. Les femmes quittent enfin la figure mythique pour retrouver leur propre voix, leur propre geste.
Mort et Métamorphose se succèdent pour montrer un collectif aux trousses du séducteur, puis le réintégrant dans sa dynamique. Le goût de la citation et du symbole affleurent, parfois de façon un peu trop appuyée. La musique, souvent illustrative, verse dans l’emphase – c’est le travers habituel de Baïz, toujours prête à embrasser trop large. Mais qu’importe : la sincérité du geste, la beauté du collectif, la précision rythmique et la chaleur des interprètes l’emportent sur tout le reste. Et c’est peut-être cela, aujourd’hui, le vrai mythe : celui d’une humanité qui, par la danse, tente encore d’aimer sans posséder.
SUZANNE CANESSA
Le spectacle a été joué les 4 et 5 novembre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.
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