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« Laurent dans le vent » : Ici et là

Sélectionné à l’ACID Cannes 2025, le deuxième film du trio Anton Balekjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon fait le portrait émouvant et tout en douceur d’un jeune homme de notre temps.

Si on connaît dans le cinéma nombre de célèbres duos-tandems-couples de réalisateurs, la coréalisation à trois est chose rare. Anton Balekjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon, prouvent que c’est possible et poursuivent leur collectif initié durant leurs études à la Cinéfabrique. Sans doute aiment-ils le chiffre 3 – leur premier long métrage Mourir à Ibiza, tourné sur trois ans, assemblait trois moyens métrages et trois étés. Sans doute aussi, apprécient-ils le contrepied puisqu’avec Laurent dans le vent, leur deuxième opus, on passe de l’été à l’hiver et de la mer à la montagne.

Le film, en caméra embarquée depuis un télésiège, s’ouvre sur des pieds en gros plan qui survolent le paysage pelé d’une station de ski hors saison. Laurent (Baptiste Perusat) « atterrit » là, sur une musique de western spaghetti.

Il a 29 ans, sans emploi, sans projet, parce que « c’est dur de savoir ce qu’on veut faire ».

Il est au propre comme au figuré en suspension, prêt au précipité – corps insoluble dans une masse homogène. Il a « pété un câble » et vient se reposer dans un studio encore vide, prêté par la famille de la copine de sa sœur. Quelques semaines plus tard, chassé de son refuge par l’arrivée des vacanciers hivernaux, il « tape l’incruste » auprès des gens qu’il a croisés.

Laurent dans le vent joue de la chimie et de l’alchimie. Au fil des allées venues et des rencontres du protagoniste, le film se construit sur une errance et un ancrage.

Utopies croisées

Le héros, en panne d’utopie -ou porteur de la plus difficile à atteindre : « aimer et être aimé », révèle celles des autres.

Ce sont les saisonniers, Lizzy (Ira Verbitskaya) la barmaid qui vit pour ses voyages, Farès ( Djanis Bouzyani) le photographe homo marseillais qui aurait voulu être danseur et attend le chaland sur la route des cols, en plein virage, sur un pliant flanqué d’un parasol.  C’est Lola (Monique Crespin), une vieille femme du coin, seule, malade, qui ne pense qu’à mourir face à sa vallée. C’est un éleveur qui affirme tuer les loups en dépit des Écolos et cherche sa chèvre magique et chérie répondant au nom mythologique d’Aristée. C’est encore Sophia (Béatrice Dalle), une herboriste, échouée là depuis 20 ans, après une vie d’aventures en Amérique latine. Son fils de 22 ans, Santiago (Thomas Daloz), vêtu de peaux de bêtes, armé d’une grande épée et qui s’identifie à un Viking.

Les réalisateurs disent avoir passé beaucoup de temps dans ces villages alpins à écouter les histoires des gens, et avoir imaginé leurs personnages à partir de ces entretiens. Ils mêlent au casting, des « Locaux » non professionnels et extraient du réel, magie et étrangeté.

Laurent dans le vent est un film guiraudien en diable pour la friction entre une matérialité toujours un peu burlesque et la spiritualité. Entre le prosaïque et la métaphysique, le naturalisme et le fantastique des nocturnes montagnards. Un film tendre et universel qui parle de solitude et des liens humains sans lesquels on n’est rien. Un film générationnel sur ceux qui, parmi les 20-30 ans, ne se projettent pas dans une success story avec en horizon une Rolex à 50 ans. Des jeunes égarés dans le siècle qui « portent en leur âme, un chemin perdu » tel le Desaparecido de la chanson de Manu Chao entonnée pour le nouvel an chez la sœur de Laurent.

ELISE PADOVANI

Laurent dans le vent de Anton Balekjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon

Sortie le 31 décembre 2025

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