C’était un 7 octobre, aussi. En 1985, quatre terroristes du Front de libération de la Palestine s’emparent du bateau de croisière l’Achille Lauro au large du port d’Alexandrie. Ils prennent en otages les 450 passagers de toutes nationalités et contraignent le capitaine à se diriger vers la Syrie. Ils réclament la libération de 50 prisonniers palestiniens détenus par Israël, menaçant d’exécuter à intervalles réguliers leurs otages. Yasser Arafat condamne le détournement et les tractations commencent entre l’Égypte, l’Italie et les États-Unis. Des divergences de stratégie apparaissent. Fort de sa flotte en Méditerranée, Reagan prône une intervention militaire, Bettino Craxi la diplomatie. Refoulé par les Syriens, le commando accepte la reddition négociée par l’Égypte et l’O.L.P. Son exfiltration sera menée par Abu Abbas, -plus tard considéré comme le cerveau de l’opération. Alors que les preneurs d’otages sont en route pour Port Saïd, et que le président égyptien Moubarak compte les élargir vers la Tunisie, les croisiéristes sont libérés au soulagement général. Mais, on apprend soudain qu’un citoyen juif américain handicapé, Léon klinghoffer, manque à l’appel : abattu et jeté à la mer par un membre du commando. L’accord est immédiatement remis en cause par les USA ouvrant la voie à une rocambolesque poursuite aérienne et une arrestation des terroristes par les italiens sur l’aéroport sicilien de Sigonella.
The terror cruise
Si l’affaire de l’Achillo Lauro -sans minimiser le traumatisme des otages ni la douleur de la famille de la victime, n’a pas été aussi tragique qu’elle aurait pu l’être, elle a profondément marqué les esprits. Dramatique avec ses unités de temps et de lieu, sa tension, ses rebondissements, digne d’un film d’épouvante, d’un blockbuster hollywoodien ou d’un thriller politique. Cinq ans après, d’ailleurs, Alberto Negrin en fait un téléfilm – Burt Lancaster au casting, Ennio Morricone à la BO, et John Adams lui consacre un opéra. Le documentaire de Simone Manetti, The Terror Cruise, arrive 40 ans après les faits et se garde bien de les romancer. Si la chronologie qu’il suit introduit un suspense auquel le spectateur même averti se laisse happer, le cinéaste table sur la sobriété, la clarté, l’efficacité. Son brillant montage croise, les témoignages des ex-otages, vieillis, saisis sur un plateau faiblement éclairé, ceux de leurs familles, à ceux du capitaine de l’Achille, du pilote d’avion en charge de l’interception finale. On entend l’épouse d’Abu Abbas… ou encore à visage découvert, un des membres du commando Abdellateef Fataier. Il a purgé sa peine en Italie, après sa condamnation. Il est désormais père de famille, retiré dans un endroit secret. Les images des camps de son enfance, du massacre de Sabra et Chatila, de l’enrôlement des enfants palestiniens dans la lutte armée, accompagnent son récit. Rien ne le dédouane mais il vient de là. De cette histoire-là, de cette misère-là, de cette haine-là. Une passagère de l’Achille dira que les terroristes étaient particulièrement gentils avec les enfants, comme s’ils en étaient très proches. Et un peu inconscients, l’un d’eux confiant une grenade à son fils comme jouet.
Les photos et vidéos privées se mêlent aux archives des télés, aux pages des journaux qui couvrent l’actualité à chaud. En multipliant les angles du récit : affects individuels, enjeux historiques, géopolitiques et juridiques, le cinéaste met en évidence la complexité et l’actualité de cet événement -pourtant entré dans l’histoire. Et, c’est passionnant !
ELISE PADOVANI
Au programme du 4 décembre 2025






