Il pleuvait fort en ce dimanche 9 mars mais cela n’a pas empêché le public de venir à Rousset et la salle Emilien Ventre était comble pour la séance de clôture. Le film Bergers de la Québécoise Sophie Deraspe a enthousiasmé les spectateurs et la rencontre avec l’éleveuse- bergère Pauline Arnaudet et le comédien Bruno Raffaelli a éclairé les thèmes de ce récit initiatique.
Librement inspiré du roman auto fictionnel de Mathyas Lefebure, D’où viens-tu berger?, paru en 2006, Bergers commence par un rêve : celui de Mathyas (Félix-Antoine Duval) un jeune publicitaire montréalais. Sa voix off précise qu’il ne va pas rentrer chez lui. Il est à la fenêtre d’un hôtel à Arles, avec vue sur les Arènes. « J’ai peur que mon cœur s’arrête ! » Sa décision est prise : il va devenir berger. Il démissionne avec un message vocal. Il se documente, achète des livres sur la transhumance, un couteau, un chapeau, une vieille besace en cuir et, cherchant à se faire embaucher comme apprenti, va à la rencontre des éleveurs et bergers qui au, bistrot du coin boivent leur « jaune ».
Longue marche
Tous se moquent gentiment de ce « berger » qui n’a pas encore gardé ! Mais l’un d’entre eux qui manque de main-d’œuvre le prend à l’essai. Un essai non concluant et Mathyas se retrouve alors chez Tellier (Bruno Raffaelli), un éleveur endetté, violent et colérique. Il commence à garder avec Ahmed (Michel Benizri), un berger marocain, qui n’aime pas les moutons : « Les moutons, il faut les mater » et a peu de considération pour les femmes.
Mathyas a entamé une correspondance avec une jeune fonctionnaire, Elise (Solène Rigot) rencontrée lors d’une démarche administrative. Lorsqu’ Elise, séduite par ce qu’il lui raconte, à son tour démissionne et le rejoint, c’est l’expérience de la transhumance et de l’estive qu’ils vont partager : la longue et dure marche vers l’herbe verte des montagnes et la liberté.
Sophie Deraspe, à travers son Candide romantique, montre le métier de berger dans toute sa rudesse, les cabanes plus que sommaires, le travail harassant, les difficultés économiques. La caméra de Vincent Gonneville filme superbement les corps et les visages fatigués, les gestes du travail, bêtes qu’on marque, qu’on soigne, les troupeaux qui traversent les villages. La beauté des paysages baignés de lumière, la violence des orages, la montagne au lever du jour.
ANNIE GAVA
Bergers a remporté le Prix du meilleur film canadien au Toronto International Film Festival.
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