Le patrimoine bâti, quand on le délaisse, ne s’endort pas. Il s’abîme, se déprécie, et transforme les mémoires en vestiges, ou en ruines. Perrine Prigent, adjointe au maire de Marseille en charge de la valorisation du Patrimoine a imaginé, avec Eric Méry, adjoint à l’urbanisme, un « processus innovant » pour révéler tout l’éclat des nombreuses « pépites patrimoniales délaissées » : un véritable trésor municipal. L’élue souligne à quel point le nombre de bâtiments est important, « fermés depuis des dizaines d’années » pour certains alors que leur valeur est importante. Pour « rattraper le retard et réhabiliter ces bâtiments dans un contexte budgétaire tendu » il a fallu « trouver des modèles innovants d’occupation et de réhabilitation ».
Pas question de vendre pourtant : la Ville ne veut pas brader son patrimoine, et lance des « Appels à projets », six pour l’instant, « premiers d’une liste qui sera longue », promet Perrine Prigent. L’idée est d’établir des cahiers des charges précis pour que, en échange d’un bail gratuit de moyenne ou longue durée, ces lieux retrouvent une ouverture publique, autour de projets portés par des associations ou des entreprises, répondant au double objectif de réhabilitation et d’occupation thématique. Charge à eux de trouver les financements complémentaires, et de prendre en compte les thématiques portées par la municipalité.
Ainsi les six premiers lieux historiques retenus sont, pour certains, destinés à un usage assez précis : si La Bastide de Château-Gombert (13e arrondissement) et la Villa Athéna (13e) devront construire leurs projets en tenant compte d’une consultation citoyenne, le 63 rue Sauveur Tobelem (7e) est ouvert « à toutes les propositions d’usages », le 62 Corniche Kennedy peaufine son projet, tandis que les prétendants au 90 boulevard des Dames (2e) devront plancher sur un projet autour du cinéma et de la formation, et ceux du Tore, magnifique « pavillon de partage des eaux » (4e), devront dédier le lieu à l’usage et l’histoire de l’eau.
LILLI BERTON FOUCHET
Le Tore : l’une des six pépites
Edifice remarquable mais souvent méconnu, le pavillon de partage des eaux, dit « Le Tore », fait partie des premières pépites à être soumis à un appel à projet. Construit en 1901 et relié au Palais Longchamp, il possède une façade remarquable et très bien conservée. Resté en fonction jusqu’en 1997, il a été classé monument historique en 1998. Maïté Elhinger, chargée de valorisation du patrimoine culturel de la Ville de Marseille, explique que « ce lieu raconte une histoire » que « les Marseillais ne connaissent pas toujours mais qui leur appartient. » Le choix du lauréat pour ce premier projet sera rendu en janvier 2026. L.B.F.