Il est un intellectuel marxiste allemand, elle est son élève, sa cadette de plus de 30 ans, ils ont ensemble 3 enfants. Assez banal pour être vrai, sauf qu’elle est devenue raciste, d’extrême droite, appelant à la violence et attisant les peurs par un discours qui culpabilise la gauche.
Ce pitch est celui de Three times Left is Right, il est aussi une histoire vraie, jouée par deux acteurs exceptionnels à nu (au sens propre au début) Josse De Pauw et Kristien De Proost. Deux acteurs flamands qui parlent en anglais pour figurer un couple allemand vivant en Autriche, mais aussi un couple à la ville qui ressemble beaucoup aux personnages qu’il incarne -il a d’ailleurs été choisi pour cela par Julian Hetzel. Sauf qu’ils n’ont que 20 ans d’écart et qu’elle n’est pas fasciste. Elle se plaint d’ailleurs que son rôle est le plus difficile à jouer parce qu’il est plus loin d’elle, même si elle semble y prendre un plaisir certain, et triompher à la fin de son mari pusillanime, après une scène hallucinante de sexe cannibale.
Bref, Three Times Left is Right est sacrément troublant. Il s’attache à ce non dit qui traverse nos corps électoraux : comment passe-t-on d’une gauche convaincue, d’un socialisme raisonné, à une extrême droite violente et irrationnelle ? Par amour, par empathie, par peur de l’autre, par goût du sang ? Si elle y est venue par haine de l’étranger, lui semble céder peu à peu par amour pour elle, demander au public de faire un salut fasciste par empathie, réparer ses dégâts, confondre désir et violence, céder à la domination, et finir par vendre de la bière et des saucisses bien allemandes, dont il ne cherche plus à expliquer qu’elle ont été inventées par les Mésopotamiens.
Une partie du public va partager les saucisses offertes, l’autre se demande si cela signe un renoncement, et sort. Par la gauche.
Agnès Freschel
Three times Left is Right a été joué à la Friche les 4 et 5 octobre dans le cadre d'actoral
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