Ça commence par une descente à la cave, histoire de fêter une rencontre autour d’une dive bouteille. Lamine Diagne est auteur, conteur, metteur en scène et musicien. Raymond Dikoumé, joue, dirige et écrit. Les deux lascars traquent un bon cru au milieu d’un magma de cartons. Lettres, photographies et… un crâne, accessoire de jeu et symbole funèbre : on extirpe souvent d’insolites objets du fond des vieux emballages.
Les deux artistes sont « français du sol ». Lamine est né à Lyon, d’une mère métropolitaine et d’un père sénégalais. Raymond a vu le jour en banlieue parisienne, de parents camerounais.
Leur recherche met à jour un bric-à-brac mémoriel où les réminiscences intimes se confrontent aux balafres de l’Histoire. Où le sort abject des tirailleurs sénégalais croise l’ascension sociale d’un français d’origine camerounaise, au cœur des gisements miniers de la terre des ses ancêtres. Il est encore question de « regard qui tâche », de mirage consumériste, de « rêver français », même si l’on « mange camerounais ».
Au centre d’un périmètre lumineux dont la couleur varie au gré des douleurs, indignations, et quelques bribes d’espérance, les cubes de cartons s’éventrent ou se sédimentent. Des tréfonds des ténèbres s’érige un édifice schizophrénique, sur les pierres duquel se projettent des yeux, des visages, des images d’actualités. Conçu par Emmanuelle Yacoubi, chanteuse-comédienne franco-togolaise, l’environnement documentaire contextualise les propos, à l’écart de toute lourdeur didactique.
« Notre héritage nous rattrape toujours, pour le meilleur et pour le pire ». Porté par deux « hommes passerelles », « Françé » place l’assimilation au défi des secrets familiaux et des zones d’ombre diachroniques. Lamine Diagne et Raymond Dikoumé dotent d’un corps tonique et instillent une verve distanciée à cette dialectique vertigineuse, propre à ces « familles décomposées où tout reste à composer ».
Michel Flandrin
Françé a été joué au Théâtre des Halles, Avignon, le 8 janvier.
Un spectacle soutenu par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, en partenariat avec
l’Agence Française de Développement
A venir
les 23 et 24 janvier
Théâtre de Grasse
le 31 janvier
Forum Jacques Prévert, Carros
Retrouvez nos articles On y était ici