Venue tout droit de Nizza la bella où elle codirige le soyeux Théâtre de la Libé, Emmanuelle Lorre invite les festivaliers à égratigner les idées reçues qui encrassent le mythe de notre incontournable Molière. Il est fascinant de constater le nombre de rumeurs souvent fausses et malveillantes qui s’agglutinent sur les personnalités les plus en vue « comme le miel fait les mouches » (George Dandin). Le succès déclenche des aigreurs qu’aucun médecin, volant ou non, ne saurait guérir. Nourrie de lectures diverses et contradictoires sur son cher Molière, Emmanuelle décide de s’adresser directement à lui, donc à nous, pour des mises au point qui ne manquent ni de saveur, ni de piquant. La belle, telle une justicière en guerre contre les affabulateurs, remet les pendules à l’heure. Sa conviction amuse, son aplomb séduit. Le buste de Molière la regarde, goguenard, heureux sans doute, que plus de 400 ans plus tard, on s’intéresse encore à lui. Voix joliment timbrée, diction claire, la comédienne ratisse large : Corneille, la couleur verte, le physique du maître… et surtout elle déglingue toutes les flèches empoisonnées qui ont sali la réputation de la vie amoureuse et chaotique de l’auteur du Misanthrope.
Tête-à-tête avec Molière est justement sous-titré L’illustre inconnu. On lève ici un coin du voile mais il reste encore tant à apprendre en relisant ses pièces ! C’est une invitation au pays des fausses nouvelles, un voyage léger en compagnie du maître dans un Paris crasseux où aucun aristocrate ne se risquait à mettre un pied. Un oasis frais et ludique que Mademoiselle Lorre irrigue avec élégance et bonne humeur. Avec elle il y a des fumées sans feu, n’en déplaise aux atrabilaires.
À voir ou à revoir
Dans une mise en scène de Paméla Ravassard d’après le roman de Gilles Paris, Courgette fut un bienfaisant moment de théâtre du festival 2022. Pour tous ceux qui n’ont pu y assister faute de places ou par ignorance, le spectacle revient fort à propos.
Il s’appelle Icare, surnommé Courgette, c’est un enfant d’aujourd’hui qu’on a conduit dans un centre d’accueil, Les Fontaines, parce qu’en voulant tuer le ciel, c’est sa mère qu’il a envoyée ad padres. Une mère alcoolique, violente et peu maternelle. Icare sympathise avec d’autres petits cœurs égratignés, trouve un père de remplacement avec un policier attentif à son bien-être, et ressentira les premiers frissons amoureux grâce à une jeune fille du foyer.
En compagnie de Courgette on vit un moment vaporeux hors du temps, hors des noirceurs dont nous barbouillent tous les médias. On rit, on pleure, on chaparde quelques moments de bonheur : un foyer pour enfants peut être un semblant de paradis. On veut y croire et ça fait un bien fou.
JEAN-LOUIS CHÂLES
Tête-à-tête avec Molière, jusqu'au 29 juillet, tous les jours sauf mardi à 18h25, Théâtre de L'Optimist
bluemoon-spectacles.com.
Courgette, jusqu'au 29 juillet, tous les jours sauf lundi à 10 h, au Théâtre du Girasole.
Tél. 04 90 82 74 42.