Arrêtée comme son compagnon en 1942, alors qu’elle était enceinte, guillotinée en 1943 avec ses camarades de lutte, Hilde Coppi a laissé un fils né en prison, qui n’eut de cesse de garder la mémoire de ses parents, et dont on entend les mots à la fin du film. Pour rendre hommage, justice, corps et voix à la jeune Résistante, le réalisateur choisit la douceur et la modestie. Pas de croix gammées, de coups de feu, de séances insoutenables de torture. Pas plus que d’actes de sabotage pyrotechniques spectaculaires. Andreas Dresen évoque un été radieux, la rencontre amoureuse d’Hilde ( Liv Lisa Fries) et de Hans Coppi ( Johannes Hegemann), les baignades et les pique-niques des jeunes Résistants au bord de l’eau, l’exultation de leur jeunesse solaire comme une véritable ode à la Vie. Images saturées de lumière qui reviendront assez conventionnellement en flash back alors qu’Hilde de sa prison n’aperçoit qu’un bout de ciel. En alternance, espaces ouverts de liberté et espaces fermés (ceux pour l’amour et la clandestinité puis pour la mort).
Le réalisateur dit avoir voulu s’éloigner des stéréotypes héroïques qui lui étaient proposés dans la RDA de son enfance, rendant perversement inaccessible au commun des mortels toute rébellion. Il montre comment la résistance à la monstruosité du Troisième Reich passe par de petits actes : une femme qui cache un document dangereux en s’asseyant dessus, une infirmière qui s’oppose à un docteur-boucher, une matonne qui infléchit les règles pour aider Hilde.
La boussole
Incarnée par Liv Lisa Fries – l’inoubliable Charlotte Ritter de la série Babylon Berlin -, Hilde est une fille sage, discrète, au look de gouvernante avec sa tenue convenable et ses lunettes rondes. Une fille bien élevée même quand la Gestapo l’interroge. C’est par amour pour Hans qu’elle rejoint le réseau d’activistes et met sa subtilité au service de leur lutte anti nazie, apprend le morse, envoie des messages aux Soviétiques, écoute les émissions de Radio Moscou pour transmettre aux familles des nouvelles des prisonniers allemands, colle des affiches. Liv excelle à traduire par ses gestes et postures, la vulnérabilité de cette femme et cette force intérieure, « cette boussole » comme dit le réalisateur qui lui indique ce qui est juste de faire. De Hilde avec amour, les derniers mots d’une dernière lettre de Hilde Coppi, repris par le titre du film semblent s’adresser tout aussi bien à sa mère et à son fils, qu’à nous qui voyons 80 ans plus tard, la résurgence décomplexée des mouvements fascistes.
ELISE PADOVANI
En salles le 12 mars 2025