samedi 27 avril 2024
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« Blue Giant », des bulles de jazz

Le réalisateur Yuzuru Tachikawara porte à l’écran l’œuvre manga de Shinichi Ishizuka, où l’on suit l’épopée musicale d’un jeune talent du jazz

Pour les amateurs de mangas, Blue Giant de Shinichi Ishizuka est une saga en dix tomes suivie des onze volumes de Blue Giant Supreme puis de ceux de Blue Giant Explorer. L’auteur y raconte le parcours de Dai Miyamato, un élève de terminale touché par le jazz comme par la grâce et bien déterminé à devenir le plus grand saxophoniste du monde. C’est un jeune homme « méritant », acharné, s’entraînant sans relâche. Il quitte sa ville de province, son équipe de baskets, son père et sa petite sœur pour chercher la consécration à Tokyo. Après avoir surmonté les difficultés de celui « qui se voit en haut de l’affiche », par la force de sa pureté, communiquant aux autres son énergie inépuisable et sa foi indestructible, il formera le trio Jass. À la batterie, son copain Tamada qu’il a converti à sa passion. Au piano, l’élégant Yukinori rencontré dans un club tokyoïte. Rompant le silence du papier, le réalisateur japonais d’ « anime » de 42 ans, Yuzuru Tachikawa, à l’occasion du centenaire de la Maison d’édition Shogakukan, sur des compositions de la pianiste compositrice Hiromi Uehara, condense les 10 tomes de Maître Ishizuka en deux heures et les porte à l’écran.

Tout se joue

Le scénario reste fidèle à l’histoire un peu lisse, conforme aux codes du genre, et à l’invraisemblable rapidité d’apprentissage des jeunes gens, doublés ici par de grands interprètes Hiromi Uehara pour Yukinori, Shun Ishiwaka pour Tamada et Tomoaki Baba pour Dai. Centré sur le rêve fou de ce dernier et sur l’ascension progressive du groupe, le film ne développe aucune intrigue secondaire et encore moins amoureuse. Des souvenirs s’accrochent parfois aux notes. Nourrissant la musique, d’enfance, de joies, de peines. En décor de fond, l’urbanité de la Capitale, sa scène jazz nocturne et le mythique Blue Note, rebaptisé So Blue. On retrouve les cadrages ciné très présents dans tous les mangas. Des plans zénitaux très larges aux macros des gouttes de sueur perlant au front des concertistes, Blue Giant crée un effet d’aspiration vers la scène où – sans jeu de mots, tout se joue. Bleus et rouges, en balance. Bleus et ors. Ombres dansées. Le film flambe dans les solos et les impros, où chacun donne tout, de ses doigts, de son souffle, de son cœur, de son âme. Car on le sait, et quelques poncifs égrenés le rappellent, la musique, ce n’est pas seulement des notes. Sinon à quoi bon ? Une des séquences les plus émouvantes du film, montre Yukinori jouant du piano d’une seule main, découvrant comme Miles Davis qu’il ne sert à rien de « jouer beaucoup de notes alors qu’il suffit de choisir les meilleures ».  

En guest star de cette animation, le saxo ténor de Dai. Spectaculaire dans l’enroulement étincelant de son tube de métal. Légendaire puisque lié, entre autres, à John Coltrane et Sonny  Rollins. Capable d’interpréter, comme la voix humaine – dont on le rapproche, l’infinie partition des émotions. Du feulement au cri. Un instrument du souffle. Celui qui se coupe par le froid de l’hiver alors que le jeune Dai répète près de la rivière, celui qui se libère en concert, celui qui donne « l’anima » au dessin. Privilégiant les live musicaux, liant, avec virtuosité, lumière et son, déformant l’espace et les lignes – du crayonné nerveux au maelstrom polychrome psychédélique, le réalisateur restitue l’énergie folle des jeunes protagonistes et nous offre un très beau moment de communion.

ÉLISE PADOVANI

Blue giant, de Yuzuru Tachikawara

En salles le 6 mars

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