Est-ce parce que ce sont majoritairement des femmes qui sont à l’écriture et à la mise en scène ? Est-ce parce que la question de la compréhension et de la réception du spectacle est posée directement à chaque auteurice qui s’adresse à l’enfance ? Quoi qu’il en soit le théâtre jeune public est souvent le lieu où s’élaborent de nouvelles formes, modestes et émouvantes, qui parlent, comme nos enfants, des problèmes philosophiques fondamentaux de nos vies.
Louise/Os ursos, de la Pandorga Cia. de Teatro, est un très joli spectacle brésilien, pudique et tendre sur une petite fille, sa grande sœur, leur père, leur absence de mère qui ne sera pas commentée, comme ne seront qu’évoqués les dangers auxquels Louise se confronte en traversant seule une voie rapide pour aller à l’école. Pensant qu’un ours transparent la protège, elle va s’échapper dans un imaginaire qu’elle croit vrai, comme sont vrais les dangers, qui les menacent, elle et sa sœur… Fabriqué avec trois fois rien, deux jouets et quatre comédiens formidables, le spectacle sur-vitaminé est apprécié des enfants, même en portugais sur-titré !

Ne plus cacher la mort
Oiseau ose un autre voyage et franchit le tabou de la mort. Le spectacle de la compagnie La Polka, qui a été créé en 2023, en est à plus de 100 représentations et prend des partis inattendus. L’écriture d’Anna Nozière est une de celles qui, sans fioritures mais avec précision, fait naître des émotions qui prennent à la gorge et vous font, à la fin, applaudir debout.
Kate France et Sofia Hisborn sont deux comédiennes (incroyables) d’un âge certain, celui d’être grand-mère, et qui incarnent pourtant les enfants sans bêtifier un instant, en jouant comme eux, les emmenant ainsi surement avec elles dans la fiction. Elles incarnent ainsi les instituteurices, les parents, les tantes, tous les copains et les copines, surtout, et les vieilles voisines avec la même conviction distanciée. Disant, comme les enfants, « alors je suis Paméla » ou « je fais la directrice » (dite Cléopâtre comme un pot de colle) ou tous les parents d’élèves à la fois (en même temps, et pourtant sans confusion…).
Racontant l’histoire d’un enfant qui perd son père et voudrait que les morts soient plus présents dans nos vies. Qu’on les fête, qu’on en parle, qu’on aille le soir les rejoindre « de l’autre côté », pour partage et comprendre la peine, la perte, le deuil. Un désir que les adultes finiront par entendre.
Le petit Mustafa et sa copine Paméla qui a perdu son chien, les autres enfants du récit, sont aussi présents dans un petit film très finement projeté de travers. Rendus vivants au-delà des voix des comédiennes, comme si les degrés de réalité cohabitaient : le monde du réel, celui de la scène, celui des écrans projetant une farandole d’enfants joyeux et graves dans un cimetière. L’autre côté de la vie ?
AGNES FRESCHEL
Louise/ Os Ursos et Oiseau ont été joués à La Criée, Centre dramatique national de Marseille, les 27 et 28 mars.
À venir
Oiseau
2 avril
La Garance, Scène nationale de Cavaillon
Retrouvez nos articles Scènes ici