Parmi les 6 longs –métrages en compétition, en avant –première, le dernier film de Jérôme Bonnell
L’amour parcourt les films de Jérôme Bonnell qui en explore toutes les facettes, de l’enfance à l’âge adulte depuis Le Chignon d’Olga (2002) jusqu’à sa série prévue pour 2026, Un jour on fera l’amour. Son nouveau film, La condition, qui avait pour titre au départ Tout recommencera, ne fait pas exception. Mais c’est la première fois que le cinéaste s’attelle à une adaptation : celle d’un roman de Léonor de Récondo, Amours (sic !) dont l’histoire se déroule au début du XXe siècle. Un film en costumes donc mais au thème très actuel, la situation des femmes face au patriarcat.
Mois d’avril 1908. Une grande maison bourgeoise. Une jeune femme qu’on habille, qu’on corsette ; c’est Victoire, (Louise Chevillotte, que Jérôme Bonnell avait déjà fait tourner dans Les hautes herbes) femme d’André (Swann Arlaud) un notaire, qui semble sûr de lui, imbu de sa personne mais au fond sous l’emprise de sa mère (Incroyable Emmanuelle Devos, méconnaissable). Alitée, ne parlant plus, véritable tyran, elle maltraite les employées de maison et sa bru.’ « C’est la méchanceté qui coule dans tes veines » lui jettera un jour un fils, excédé et que la frustration rend violent. Les deux époux font chambre à part et en bon patron, André s’occupe de la bonne, Céleste (Galatéa Bellugi vue récemment dans L’Engloutie de Louise Hémon ) A la suite de ses assauts, Céleste se retrouve enceinte et n’a pas son mot à dire. Bien entendu, craignant de se faire renvoyer, elle cache sa grossesse durant six mois ; il est donc trop tard pour « faire passer » l’enfant. Victoire n’a sans doute pas eu son mot à dire non plus, avant d’être mariée à André et les rapports avec son mari ne leur ont pas donné d’héritier. Une solution est trouvée : Céleste ne sera pas renvoyée, mettra au monde l’enfant qui deviendra le fils des maitres. Cet arrangement, inhumain, terrible pour Céleste, va peu à peu rapprocher les deux « mères » : En secret, elles s’occupent ensemble du bébé ; leurs corps se rapprochent, faisant naitre une grande tendresse entre ces deux femmes que leur condition sociale opposait, maitresse et servante, et leur révélant peu à peu leur désir.. Tout peut –il recommencer ?
Dans une mise en scène classique, sobre et fluide, des décors très soignés conçus par la cheffe décoratrice, Catherine Jarrier-Prieur, La Condition traite à la fois les rapports sociaux, dominant –dominé, les rapports imposés aux femmes par le patriarcat et le tabou de l’homosexualité. La caméra de Pascal Lagriffoul a su saisir les émotions des deux femmes superbement interprétées, filmant avec délicatesse les visages et les corps qui se découvrent. Quant à Swann Arlaud, il incarne avec justesse cet homme dont on découvrira le secret.
Annie Gava
La Condition sort en salles le 10 décembre
© Diaphana