Le 23 octobre, le Grand Théâtre de Provence accueillait Renaud Capuçon et l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège pour un programme conçu comme une traversée de l’ombre vers la clarté. En ouverture, La Nuit n’est jamais complète de Camille Pépin, commande de l’Orchestre, prolonge la poésie d’Éluard vers une écriture musicale de la suspension. La compositrice y explore la frontière entre immobilité et mouvement, tissant un tissu orchestral où la densité reste toujours transparente. L’orchestre, attentif à la gestique expressive du violoniste exerçant ici ses fonctions de chef, rend justice à la précision de sa palette et à la subtilité de ses traits, différant subtilement d’un pupitre à l’autre. Une œuvre de tension contenue, sans effet superflu, qui confirme la cohérence d’un langage désormais bien installé dans le paysage français.
Le Concerto pour violon n°4 de Mozart, dirigé du violon par Renaud Capuçon, installe une autre forme de dialogue. L’interprétation, souple et lumineuse, révèle une approche plus chambriste que purement orchestrale. La lecture reste prudente : élégante, parfois trop policée, elle privilégie la ligne et le galbe au risque de perdre un peu de nerf. L’Andante cantabile respire, le Rondeau s’élance, mais l’ensemble demeure dans un confort et une unicité sonores, un sens de l’écoute impeccable.
D’une scène à l’autre
Changement d’échelle avec la Siegfried-Idyll, page d’intimité que Wagner composa pour ses noces avec Cosima, et jouée ici sans emphase ou épanchement. Renaud Capuçon laisse les musiciens s’organiser autour d’un phrasé commun, tendre, presque domestique. Loin de toute monumentalité, le discours avance par respiration, mais manque parfois de tension dramatique et de relief.
Les Interludes symphoniques d’Intermezzo de Strauss referment le concert dans un éclat maîtrisé. L’orchestre s’y montre d’une homogénéité exemplaire, précis jusque dans les changements de climat. Capuçon privilégie ici encore la fluidité du récit à la brillance. Parti pris qui révèle avec d’autant plus de précision l’incursion du théâtre, de l’écriture opératique et même de la danse dans la partition. Un concert sans tapage, fidèle à l’esprit de ses œuvres : clair, équilibré, parfois trop sage, mais profondément musical.
SUZANNE CANESSA
Le concert a été joué le 23 octobre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
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