Comment rater un événement culturel sur le Vieux Port et ne pas réussir à rassembler plus de quelques centaines de personnes autour d’une programmation, pourtant réussie, d’artistes du territoire ?
C’est l’exploit d’Art Explora à Marseille. Le festival itinérant, qui veut sillonner les mers du monde pour proposer des expériences artistiques gratuites, n’en est qu’à sa troisième étape (après Venise et Naples), et semblait essuyer les plâtres d’une construction menée à la va-vite. Malgré l’occupation médiatique, le partenariat média avec BFM TV, dont les spots tournent sur l’écran de fond de scène, malgré la présence du 6 au 18 juin sur le quai de la Fraternité au bas de la Canebière, dans un espace public qui a vu foule quelques jours auparavant pour l’arrivée de la flamme, malgré les 47 mètres du bateau-musée et son impressionnante voilure de plus grand catamaran voilier du monde, personne ne semble savoir parmi les passants ce qui se passe derrière les barrières Vauban qui enclosent la programmation de spectacles et d’exposition.
Il faut dire qu’ils sont gratuits, mais qu’il faut s’y inscrire… et qu’on peut aussi y assister sans inscription ! Aucune signalétique n’annonce le programme, aucun flyer d’information n’est diffusé, pas même un QR code qui pourrait renvoyer à un agenda… Personne ne sait ce qui se trame là, derrière le passage étroit gardé par des agents de sécurité très souriants, mais qui sont là pour fouiller les sacs et pas pour accueillir le public et renseigner sur les programmes.
Expositions
A l’intérieur, même amateurisme bienveillant : sur le catamaran un défilé pas marrant de poncifs sur les civilisations mésopotamiennes, une expo « immersive » numérique qui anime les figures féminines du Louvre sur les parois courbes du bateau, déformant leurs formes… Faut-il vraiment offrir au visiteur des succédanés d’œuvres déformées qui ne peuvent que leur en donner de fausses images ?
À quai, dans un container, une autre exposition confronte plus judicieusement des œuvres contemporaines et des estampes de Miro, une émouvante petite sirène antique, des dessins d’enfants, dans une belle unité thématique qui donne un vrai accès aux œuvres.
Spectacles
La soirée d’ouverture, avec Zaho de Sezagan a fait le plein d’un espace public à la fois vaste et bizarrement contraint. Et sur cette scène les compagnies du territoire, de Hylel à La Madelena, de Josette Baïz à De la Crau, de Kader Attou à Maria Simoglou, ont fait défiler les talents de musiques du monde et de hip-hop que Marseille recèle… devant un public pour la plupart du temps clairsemé. Les conférences scientifiques et projections ont attiré moins de monde encore, malgré la pertinence de leurs thématiques et invités.
Au concert deSpartenza, un public habitué de la Cité de la musique ou de Babel Med, agrémenté de quelques curieux passés par là et attirés, au fur et à mesure, par la force de la musique : le duo de la chanteuse sicilienne Maura Guerrera et du guembriste et oudiste algérien Malik Ziad, auquel s’adjoignait le tambourin occitan de Manu Théron, et ses contre-chants, tissent des liens charnels entre les rives, les cultures, les pratiques, les histoires populaires des artisans, les rêves des enfants.
Un imaginaire commun que les prochaines éditions d’Art Explora sauront sans doute mieux mettre en valeur, pour peu que le contexte politique n’interdise pas, à l’avenir, les échanges.
AGNÈS FRESCHEL
Art Explora a eu lieu du 6 au 18 juin sur le Vieux Port, à Marseille