À l’occasion de l’Année Cézanne, la ville d’Aix-en-Provence célèbre l’artiste en réinvestissant les lieux mêmes de sa création. Du 28 juin au 12 octobre, le musée Granet propose une grande exposition consacrée au Jas de Bouffan, bastide familiale où Cézanne peignit entre 1859 et 1899. Le lieu, exceptionnellement ouvert au public, révèle des fragments de fresques récemment découverts, témoins précieux d’une période d’expérimentation encore peu explorée.
Plus d’une centaine d’œuvres, issues des plus prestigieuses institutions internationales, permettront de reconstituer le foisonnement créatif de ces années fondatrices. Ce parcours se prolonge à l’atelier des Lauves, conservé dans son état d’origine, et dans les carrières de Bibémus, où la roche ocre devient architecture picturale. Autant de lieux emblématiques où l’on peut ressentir, au plus près, la naissance de la modernité.
« Moi vivant, aucun Cézanne
n’entrera au musée. »
Dans le cadre de l’Année Cézanne, la ville d’Aix-en-Provence nous invite ainsi à une multiplicité de regards sur son œuvre. Outre l’exposition consacrée aux tout petits à la Manufacture ouverte en février dernier, deux autres musées s’intéresseront quant à eux à la réception de son œuvre. Et proposeront deux autres récits pour tenter de cerner la complexité du lien entre le peintre et sa ville natale. Le musée du Vieil Aix d’un côté, avec Cézanne vu d’Aix. Entre légende et mémoire collective (du 6 juin au 4 janvier 2026), et le Pavillon de Vendôme de l’autre, avec L’expo des expos – Cézanne au Pavillon de Vendôme en 1956 et 1961 (du 19 juin au 2 novembre).
Au musée du Vieil Aix, c’est un Cézanne contesté, parfois honni, que l’on redécouvre. L’exposition interroge la réception locale de l’œuvre cézannienne à la fin du XIXe siècle et au début du XXe : une histoire faite de désamour, de mépris, voire de rejet pur et simple. Car Aix n’a pas toujours vu en Cézanne le génie que Paris, puis le monde, ont célébré par la suite. Il fallait oser une telle mise en abîme dans un lieu d’histoire locale. Il fallait surtout revenir à cette formule assassine d’Henri Pontier, conservateur du musée d’Aix vers 1900 : « Moi vivant, aucun Cézanne n’entrera au musée. »
À quelques rues de-là, le Pavillon de Vendôme s’attèle quant à lui à retracer deux épisodes fondateurs de cette réhabilitation : les expositions de 1956 et 1961, qui marquent un tournant dans la reconnaissance locale de l’artiste. Avec L’expo des expos, l’équipe du musée offre un retour enthousiasmant sur ces moments où Aix a, enfin, osé montrer Cézanne. En 1956, ce sont 90 œuvres qui investissent les murs du pavillon, dans une exposition montée à la hâte mais qui crée l’événement. Puis vient 1961, et son fait divers retentissant : huit œuvres sont dérobées dans la nuit du 12 au 13 août. Parmi les toiles envolées, Les joueurs de cartes du Louvre. L’affaire passionne, inquiète, défraye la chronique. Elle rappelle aujourd’hui la naissance peu commune d’un mythe désormais fondateur.
SUZANNE CANESSA
Année Cezanne
2025 et un peu plus
Divers lieux, Aix-en-Provence
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