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Charles Berling, et la complexité du réel

Du 5 au 22 mars, le directeur de la Scène nationale Châteauvallon-Liberté présente sa nouvelle création C’est si simple l’amour de l’auteur Lars Norén. Entretien

Zébuline. Pourquoi avoir choisi, pour cette création 2025 puis pour celle de l’année prochaine,le dramaturge suédois Lars Norén ?

Charles Berling. Parce que c’est un auteur majeur du théâtre contemporain, le successeur de Bergman, qui porte sur la société un regard acéré. Il sait raconter le tragique humain mais aussi, en contrepoint, il y a des détonations magnifiques, qui génèrent une dimension comique, une autodérision dont on a particulièrement besoin aujourd’hui. 

Pourquoi ? 

Vu les catastrophes en série du monde, l’état d’instabilité permanente, on a besoin de théâtre, de dérision, de politique. Le théâtre sait affronter et confronter le monde. C’est si simple l’amour met en scène deux couples qui sortent d’une représentation théâtrale. Deux ont vu, deux ont joué. Ce sont des bourgeois de gauche, il parle sans concession de leur rapport aux femmes, à l’autre, à la vérité. Par rapport à la gauche où je me suis situé toute ma vie, cela pose des questions profondes. 

De quel type ? 

Norén est un dramaturge génial. Avec des dialogues apparemment anodins il fait apparaître l’inconscient des relations, par l’agencement des répliques. Le public assiste à des conflits, des joutes de couples, et Norén sait lui faire voir ce que les personnages eux-mêmes, et parfois les acteurs, ne perçoivent pas tout à fait. La structure de la pièce est dingue, elle permet une pertinence humaine incroyable, avec des mises en abyme… parfois on ne sait pas si les acteurs jouent encore la pièce et ce qui relève du vrai, du joué, du souvenir. Cette complexité du rapport au réel, c’est celle que nous vivons tous les jours, avec des nouvelles qui nous assomment et nous empêchent d’être totalement dans le présent et la relation.

Dans l’amour, qui n’est pas si simple ? C’est un de vos sujets de prédilection… 

Avec Léon Blum, Montessori, Hannah Arendt ou Koltès je n’étais pas exactement sur ces sujets-là, plutôt sur la politique. Mais oui le théâtre donne souvent à voir des histoires d’amour.   

Ce qui m’importe pourtant c’est comment le public les regarde, et en l’occurrence comment je mets ce regard en abyme sur scène. Aujourd’hui, nous sommes saturés d’informations qui nous disentcomment tourne le monde. Le théâtre lui avoue être un mensonge. Aujourd’hui je ne veux plus de micro, de vidéo, et je veux que le public fasse partie du décor. 

Le public est donc sur scène ? 

Oui en partie. Le décor est un salon, mais même dans nos salons nous n’avons plus d’intimité et le monde est là, présent. Avoir près de soi des gens qui regardent, eux-mêmes regardés, mis en scène, cela m’intéresse et parle de ce trouble entre le réel et le mensonge, l’intime et le public, que nous vivons. On va tester ce soir en répétition [entretien réalisé le 3 mars, ndlr], avec un public de 40 personnes, ce que cela donne, ce partage de la scène.

« Ce que nous vivons est extrêmement dangereux et la culture publique est en danger »

Vos comédiens sont-ils préparés ? 

Oh, le théâtre tient à une équipe, et je ne prendrais pas ce risque de la proximité si je n’avais pas une confiance absolue dans les trois acteurs qui m’entourent, Alain Fromager, Bérengère Warluzelet et Caroline Proust. L’idée est de changer le rapport avec le public, et ils s’y attendent.

On ressent, à vous entendre, un sentiment d’urgence à agir, en votre lieu. 

Oui. Ce que nous vivons est extrêmement dangereux et la culture publique est en danger. Pour nous, la Métropole maintient ses financements et l’État semble le faire aussi, même si sans indexation sur l’inflation des coûts, cela équivaut à une baisse. Mais la Région et le Département coupent de 10 %. Ils font ainsi un choix de société, comme quand ils coupent dans l’éducation ou le social. La menace de l’extrême droite, contre laquelle jusqu’alors nous avions lutté ensemble, est terrible à Toulon, dans le Var, à la Région. 

Les collectivités en ont-elles conscience ? 

J’ai l’impression que oui parfois, et qu’elles savent le travail que nous faisons, mais qu’il faut régulièrement leur rappeler qu’on ne peut pas le faire sans financements. 

ENTRETIEN REALISE PAR AGNÈS FRESCHEL

C’est si simple, l’amour
Du 5 au 22 mars
Le Liberté, Scène nationale de Toulon 

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