Créée en 1900, cette fresque musicale de Gustave Charpentier est aujourd’hui rarement donnée. Pourtant cet opéra, considéré avant l’heure comme féministe et socialiste, reste d’une grande actualité. Il raconte l’histoire d’une jeune couturière qui tente de s’émanciper de l’aliénation familiale pour vivre la bohême dans le Paris de la Belle époque.
La structure de l’œuvre est binaire : une première partie étouffante, lente et confinée, est suivie d’une seconde partie exaltée où la liberté s’embrase comme la baguette incisive et alerte de Giaomo Sagripanti dirigeant l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Lyon.
Les premiers actes se déroulent dans un huis clos oppressant dont on ne sait trop s’il a pour cadre l’appartement familial de Louise ou un hôpital psychiatrique. La jeune héroïne, soumise à l’autorité paternelle, vit dans l’attente d’un possible ailleurs. Elsa Dreisig, dans le rôle-titre, campe une Louise fragile, presque éteinte, traduisant avec justesse l’état de latence du personnage. Son timbre chaleureux, sa diction fine et sa présence scénique procurent chez le spectateur une empathie immédiate.
Face à elle, le Père, ouvrier rude, aimant – beaucoup trop aimant – incarne l’ordre patriarcal. La basse Nicolas Courjal, lui donne corps et dans ses silences comme ses supplications, impose une intensité dramatique constante. À ses côtés, Sophie Koch, joue à merveille une mère violente et complice de ce père toxique et manipulateur.
Fragile échappée
Le troisième acte est un basculement. Les fenêtres s’ouvrent sur Montmartre, espace coloré, vivant dans lequel Julien, l’amant poète et bohème de Louise, représente l’appel de l’ailleurs. Le ténor britannique Adam Smith livre une interprétation aérienne de l’idéalisme de la jeunesse. Dans cet environnement, la voix de Louise, qui se rêve en « muse de la butte » se libère. Et lorsque vient le célèbre air Depuis le jour où je me suis donnée, Dreisig atteint un sommet d’émotion.
Mais cette fuite est fragile. Le quatrième acte ramène Louise au foyer. Le père attendrissant, joue de la corde affective pour récupérer sa fille. Courjal éblouit, modulant sa voix avec subtilité, mêlant culpabilisation et douleur. Louise hésite, vacille… explose. Dans une scène finale d’une violence orchestrale et vocale saisissante, elle crie, hurle, son désir d’indépendance face à ce père pervers qui la maintient sous emprise.
Mais si Charpentier avait choisi, en happy end, la liberté pour Louise, ce n’est pas le parti pris de Loy qui la ramène à la maison et l’assigne à résidence. Tragiquement.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Jusqu’au 13 juillet
Théâtre de l’Archevêché
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