Ce 29 novembre, c’est à la mairie des 1er et 7e arrondissements de Marseille que s’ouvrait la 19e édition de Film Femmes Méditerranée. Au programme, une rencontre pour s’interroger sur la place des représentations de genre dans l’industrie du cinéma. Et le constat était criant : oui ça progresse, mais trop lentement. C’est d’ailleurs ce que confirment les études sur le sujet, comme celle du Centre national du cinéma paru en 2022, où l’on apprenait que la part de films d’initiative française réalisés ou coréalisés par des femmes était passée de 19 % en 2002 à 30 % en 2021. En augmentation donc, mais à un rythme qui laisse présager une parité atteinte dans plusieurs décennies seulement. Plus récemment, le Conseil de l’Europe publiait l’édition 2024 de son rapport annuel sur l’audiovisuel, avec des résultats eux aussi très asymétriques.
Cinéma : une petite part de féminité
En près de dix ans, seulement cinq petits points de gagnés. C’est un des principaux constats que fait le Conseil de l’Europe sur la proportion de femmes dans les projets européens – tous métiers confondus – de production cinématographique : elles sont 24 % en 2023, contre 19 % en 2015. Et si l’on zoome dans le détail, c’est du côté de la musique que la différence est la plus criante avec 10% de femmes seulement qui signent les musiques diffusées à l’écran, et à la direction de la photographie, où elles ne sont que 12%. Autre chiffre clef de cette étude, les femmes travaillent plus souvent en binôme que les hommes sur leurs projets, à l’exception des scénaristes et productrices : elles sont 25 % à coréaliser contre 22 % d’hommes ; ou 38 % à la codirection de la photographie, contre 27 % d’hommes.
Des initiatives pour l’égalité
Depuis 2018, le Centre national du cinéma met en place un « bonus parité », qui offre aux productions une majoration d’aide de 15 % s’il y a autant d’hommes que de femmes dans certains postes clefs. Mais en 2023, seulement 35 % des films y ont été éligibles. Au niveau européen, le réseau EWA (European women’s audiovisual) propose depuis 2012 une série de programmes pour favoriser la parité dans cette industrie. À l’instar du dispositif Series Accelerator, qui met en lien autrices et producteurs (productrices ?), et aide au financement de projets portés par des femmes.
NICOLAS SANTUCCI
Méditerranéenne, queer et féministe
En ouverture de Films Femmes Méditerranée, une réflexion collective sur les représentations de genre au cinéma
Le court métrage Neo Nahda de May Ziadé ouvrait le festival sur la culture lesbienne dans le monde arabe : Mona trouve des photographies de femmes travesties du Moyen Orient des années 1920. Entre fantasmes et archives, elle y cherche sa propre identité. Des emprunts aux codes vestimentaires masculins, au parcours sinueux avant d’arriver dans un salon bienveillant, la protagoniste découvre son identité lesbienne et atterrit au milieu de figures multiples qui l’interrogent : « pourquoi as-tu mis autant de temps à nous trouver ? »
Ce temps nécessaire pour identifier, reconnaître, assumer son orientation sexuelle et comprendre les signes de l’alternative qui s’offre à chacun·e ! La réflexion collective sur les représentations de genre dans le cinéma, non seulement à l’écran, mais aussi à travers toute son industrie, depuis la conception d’un film jusqu’à sa distribution est lancée après le court métrage avec un tour de table des festivals.
Teresa Sala, réalisatrice, programmatrice du festival lesbien de Bologne (Italie) revient sur l’historique du festival Some Prefer Cake, qui croise démarche décoloniale, antiraciste, antivalidiste et soutien au peuple palestinien face au génocide à Gaza, avec l’implication du Festival Shashat.
Marseille est représentée par Lau Ralin Nollet, co-fondatrice du festival de courts métrages Les Mains Gauches et militante queer décolonial et Christine Ishkinazi, programmatrice de Films Femmes Méditerranée. Celle-ci rappelle le lien avec le Festival de femmes de Créteil qui existe depuis plus de 30 ans, au moment où moins de 10% de la production mondiale de long métrage était produite par des femmes. Désormais, la production cinématographique des femmes doit être revendiquée comme un matrimoine.
SAMIA CHABANI
Les femmes iraniennes pas oubliées
Le terme « Méditerranée » dans FFM renvoie au lieu d’origine des réalisatrices, aux pays où elles vivent et travaillent, ou les questions et thèmes qui traversent leurs films, inscrits dans l’espace géopolitique ou dans l’imaginaire de la Méditerranée. Pour autant les Rencontres obéissent souvent à des logiques internationales liées aux situations des pays du sud et à celles de leurs réalisatrices
L’injonction au silence faîte aux femmes iraniennes et afghanes, conduit le Festival à soutenir les producteur·rice·s, auteur·rice·s, réalisateur·rice·s, technicien·ne·s, comédien·ne·s, distributeur·rice·s, responsables de festivals et l’ensemble de l’industrie du cinéma français. L’expression du soutien aux femmes iraniennes qui luttent aujourd’hui pour leur liberté au péril de leur vie, et au peuple iranien qui soutient courageusement leur révolte.
« Nous appelons tou·te·s celles et ceux qui s’insurgent contre l’assassinat de Mahsa Amini et la répression massive, brutale et meurtrière, ordonnée par les autorités iraniennes, à exprimer haut et fort leur solidarité à l’égard du peuple iranien. Zan, Zendegi, Azadi. Femme, Vie, Liberté. Que les mots scandés par les Iraniennes, et repris par tou·te·s les manifestant·e·s, soient entendus. Qu’ils permettent de faire cesser une insoutenable coercition et ouvrent enfin la voie à une nouvelle ère en Iran, et partout où les femmes sont victimes de l’obscurantisme. Ce combat universel pour les femmes, pour la vie et pour la liberté est aussi le nôtre. S.M.
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