Pour l’anniversaire de ses vingt ans, le Festival De vives voix se promène de pays en pays et embarque les spectateurs en voyage. Après la Tunisie avec le duo Yuma, l’Andalousie avec Luis de la Carrasca, il a mis le cap sur l’Inde, au Rajasthan avec les musiciens franco-indiens Parveen et Ilyas Khan.
Le frère et la sœur arrivent sur scène, lumineux. Elle, dans un sari multicolore, s’installe à genoux avec son sitar. Ilyas est assis en tailleur derrière ses tablas, petits tambours traditionnels. Les enfants du célèbre percussionniste Hameed Khan Kawa et d’une mère bretonne et ont grandi à Jaipur. Depuis sept générations, la musique classique d’Inde du nord est enseignée dans leur famille dès le plus jeune âge pa transmission orale. Parveen avait sept ans lorsqu’elle a commencé à étudier les râgas et les maands, chants traditionnels poétiques et sophistiqués en voie de disparition et dont elle est l’une des dernières garantes. « Nous venons d’une région très aride. Tout ce vide a été remplacé par la culture, la poésie et le chant »
Ilyas l’accompagne, soutient ses improvisations par sa maîtrise des tablas : « les râgas se réfèrent toujours à un moment de la journée. Celui que nous allons interpréter parle du soir et de l’éveil des sons de la nuit » explique Parveeen. Au début quelques notes seulement qui se dévoilent avec le sitar. Elle lève élégamment la main, signe fait à son frère qu’il peut introduire les percussions. Regards, sourires, tout au long du concert leur complicité est immense. Le frère et la sœur enchaînent les chansons traditionnelles comme Safran mon amour : « Nous l’utilisons dans tout car il sent bon et nous nous habillons de cette couleur pour les cérémonies » explique Parveen.
Puis ils interprètent le Bhajan -chant spirituel et philosophique- préféré de Gandhi dont les paroles reflètent les valeurs qu’il défendait : la personne idéale est celle qui donne sans espérer en retour. Ilyas se lance dans une improvisation aux tablas sur un rythme à seize temps, de plus en plus rapide. Ses doigts volent, tapotent, martèlent, accompagnés par des tours de tête et du cou : « L’enseignement des tablas est oral. Quand je l’ai reçu de mon père et de mon grand-père. Je devais répéter des phrases sur le tambour : tari ta ti ri ti, tam tam, dou dam… A vous ». La salle répète et tente de suivre, sans succès, les rythmes endiablés et ovationne le percussionniste.
Puis les deux musiciens se lèvent. Car Ilyas est un talentueux musicien de beatbox qu’il associe aux rythmes classiquesdans untablaboxing hallucinant. Il maintient la tradition vivante tout en la faisant évoluer. Parveen pose ses mélopées envoûtantes sur la rythmique de basse des bols d’Ilyas au micro qui vibre comme un drone lancé dans l’auditorium et transporte un public médusé !
Anne-Marie Thomazeau
Le concert a eu lieu le 19 octobre à la Cité de la musique, Marseille