Récitals romantiques et dialogues lyriquissimes : une édition dense et habitée des Nuits Pianistiques 2025
Au fil de trois soirées, les Nuits Pianistiques ont décliné trois univers distincts. L’édition 2025, fidèle à sa tradition de caractère et d’exigence, s’est ouverte cette année à un répertoire davantage chambriste. Le résultat se révèle enthousiasmant : un panorama élargi et passionnant où le répertoire romantique côtoyait des alliances instrumentales plus inattendues, dans l’acoustique limpide de l’auditorium Campra. Et qui aura, de fait, séduit un public plus large.
Chopin en clair-obscur
Le récital de Gianluca Luisi, consacré à l’intégrale des 24 Préludes opus 28 et des quatre Ballades, a d’emblée plongé le public dans un voyage intérieur au cœur de l’univers chopinien. Du premier Prélude, aux dissonances subtilement soulignées, à la mélancolie voilée du tout dernier, en passant par des élans héroïques et tragiques jalonnant l’opus, le pianiste déploie un art du phrasé laissant respirer chaque ligne mélodique. Sa clarté d’articulation dans les préludes rapides, son rubato souple dans les pages plus méditatives, et la finesse du toucher dans la Ballade n°4 en fa mineur font de cette soirée un sommet de sensibilité, sans esbroufe ni affèterie.
Romantisme voilé

Le lendemain, le trio formé par Nikita Mndoyants (piano), Pierre-Stéphane Schmidlet (violon) et Véronique Marin (violoncelle) propose un programme tissé comme un fil rouge : l’ombre de Brahms semble planer sur son inspirateur Beethoven comme sur son protégé Dvořák. Dans le Trio « Les Esprits » n°1 opus 70 en ré majeur, les élans lumineux des mouvements rapides contrastent avec un Largo assai presque spectral, où la retenue expressive des interprètes renforce la tension à l’œuvre. Le Trio Dumky n°4 opus 90, plus expansif, amalgame un spleen fin de siècle et l’énergie solaire des danses populaires d’Europe centrale. Un souffle dramatique affleure, porté par la puissance technique et la cohésion d’un trio pourtant réuni, depuis quelques jours peine, autour de l’académie afférente.
Espagne rêvée

Changement d’atmosphère le 5 août : la flûte de Jean Ferrandis et la guitare d’Emmanuel Rossfelder entraînent l’auditoire dans un programme lumineux, où les rythmes syncopés de l’Histoire du Tango de Piazzolla et les arabesques de Tárrega (Recuerdos de la Alhambra, La Gran Jota) côtoient la vivacité de l’Entr’acte d’Ibert et la pureté contrapuntique de la Sonate en le mineur BWV 1030 de Bach. La Carmen Fantaisie de Bizet, revue et transcrite par Borne, conclue le programme sur une note théâtrale et virtuose. Les bis – une Vocalise de Villa-Lobos et une Sérénade de Schubert – révèlent une complicité instrumentale rare, les timbres se mariant en un équilibre chatoyant et l’entente rythmique se révélant particulièrement solide.
SUZANNE CANESSA
Le festival s’est déroulé du 29 juillet au 8 août