Sur certains programmes du Festival d’Aix, les astérisques se multiplient. Celles-ci indiquent qui, parmi les artistes présents sur une production, est passé par l’académie de chant, de composition, d’instrument ou même de mise en scène proposée par le festival. Depuis sa fondation par Pierre Boulez en 1998, l’académie a accompagné et révélé de nombreux grands talents. Et il y a fort à parier que cette édition ne fasse pas exception.
Au diapason baroque
Présent tout au long d’Aix en Juin, la résidence voix a conclu son périple à la Villa Lily Pastré le 8 juillet. Et a fait preuve d’un courage certain face à l’acoustique peu clémente de ce lieu, pensé comme une solution de repli après la fermeture de l’Hôtel Maynier d’Oppède mais bien moins abrité des vents, et le choix d’un répertoire ancien, impulsé par le chef Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances.
Choix qui avait cependant de quoi ravir les amateurs du genre, notamment dans sa capacité à faire dialoguer le baroque italien et le baroque français, apparaissant ici bien plus proches dans leurs écritures et leurs enjeux que les interprétations historiquement informées ne pouvaient laisser présumer. Mais les pages de Lully, Cambefort, Charpentier et Cavalli se sont révélées peu propices au déploiement de la personnalité de ses jeunes interprètes. Sous la direction de Daucé mais également de l’affutée cheffe en résidence Guillemette Daboval, on découvre cependant avec surprise le timbre idéal, l’énonciation sans faille et les talents certains de comédienne de Mathilde Ortscheidt. Mais aussi la délicatesse de la soprano Meredith Wohlgemuth, le timbre soprano lyrique de Lucia Tumminelli, l’ampleur vocale impressionnante d’Emily Richter. Et, côté masculin, deux beaux ténors – Daniel Espinal et Matthew Goodheart – et d’impressionnants barytons – Armand Rabot et Navasard Hakobyan.
Cordes affranchies
Sous la houlette du Quatuor Diotima, la soirée de sortie de résidence instrument s’est quant à elle révélée une belle démonstration d’audace. Le Quatuor Poiesis, look punk-chic – jupe virevoltante, tatouages, chaussures à paillettes et piercings inclus –, s’imposera notamment avec ParaMetaString d’Unsuk Chin, directrice de la résidence de composition. Ce kaléidoscope de pizzicati filés, crissements furtifs et éclats métalliques entre échos électroniques et cordes métamorphosées, suspend la salle. L’ensemble sait également extraire le meilleur de la fougue beethovénienne : le premier mouvement du Razoumovski n° 1, net, incisif, incandescent, transporte l’auditoire.
Mais l’élégance et le souffle romantique du Quatuor Ineo ne furent pas en reste : sur Schulhoff, ses Cinq Pièces goguenardes et grinçantes, mais surtout sur Mozart et « Les Dissonances » dont la modernité frappe comme un éclat de verre – on croirait entendre Schönberg sous les archets. Deux créations issues de la résidence ont également marqué les esprits : les harmoniques tintinnabulantes de Leilehua Lanzilotti, jouant des cordes à vide comme d’un carillon sur l’écopoétique the water in your body is just visiting, puis l’octuor Nyx.Muse de Yiqing Zhu, vaste chambre d’échos où se reflète l’ombre d’Unsuk Chin. Frissons garantis.
SUZANNE CANESSA
Les concerts de sortie de résidence ont été donnés les 7 et 8 juillet au Conservatoire Darius Milhaud et à la Villa Lily Pastré.
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