Sur la scène, un bureau, des photos d’enfants et une grosse couverture posée par terre. Elle représente Cosmo. Cosmo est un chien. Il a été le fidèle compagnon de Julie pendant treize ans. Cosmo a pris toute la place dans sa vie, dans son cœur. Ce Cosmo contre lequel elle n’est jamais en colère, qui ne l’agace jamais alors que le monde des humains la fait souffrir, tempêter, pleurer et lui demande un « effort considérable ». Ce Cosmo qui fait battre son cœur un peu plus fort, qui a veillé sur elle comme elle a veillé sur lui. Cette bête qui n’est que fidélité, tendresse bonheur, et qui, comme elle, pense avec son cœur, avec son ventre avec ses ressentis immédiats plus qu’avec l’intelligence supposée d’un cerveau. Cette bête qui comme Argos le chien d’Ulysse la reconnaîtrait sans l’ombre d’un doute qu’elle soit vieille, ridée, défigurée. Cette bête qui ne juge pas. Cette bête qui l’a aimée comme jamais personne ne l’a aimé. Au public, elle raconte ces années avec Cosmo, « l’histoire de cette femme seule, célibataire et sans enfant qui dort avec son chien et que vous allez sans doute trouver pathétique ».
Cosmo réveille en Julie, l’animalité brute qui a précédé l’humanité, le « sanglier en colère » qu’elle a étouffé durant toutes ses années d’enfance. Julie amorce un strip-tease. Nue sur scène, elle se lance dans une danse folle, une chorégraphie endiablée qui réveille l’animalité en elle. Elle se transforme en chien, gronde, attend que le public lui jette un bouchon en liège pour jouer, se désolidarisant du « clan des humains ».
Chienne de vie !
« Dans toutes les langues, le mot “chien” est toujours une insulte ». Pourquoi s’interroge-t-elle ? Parce qu’il continue à aimer indéfectiblement même celui qui le maltraite ? Comme elle finalement qui, fidèle jusqu’à l’obsession, est parfois restée pour un bifteck, un peu d’argent, un regard, un sourire, une petite caresse, un peu d’amour.
Au-delà de sa présence, de ses silences éloquents, de son regard éternellement doux, Cosmo répare, console, la Julie enfant au regard triste qui vivait dans une grande maison toute blanche où tout n’était que solitude, colères, brimades. À 18 ans, elle quitte ceux qui lui tiennent lieu de famille humaine et part vivre dans les bas-fonds de Bucarest avec les enfants des rues. Elle y rencontre la meute, les nuits au corps à corps dans des caves, la survie quotidienne pour un peu de nourriture, pour un sourire, un regard, une caresse.
Julie mélange scène live et dialogue avec un reportage vidéo dans lequel apparaît sa grand-mère, à laquelle le spectacle est dédié, la seule qui ait réellement compris la relation qui la liait à son chien et bien sûr sur grand écran Cosmo et son regard saisissant et vibrant.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Cosmos a été donné le 18 octobre à La Criée, Théâtre national de Marseille.