Directeur général du Festival d’Aix-en-Provence depuis 2018, le metteur en scène libano-britannique a marqué le festival par son audace artistique et son engagement en faveur de la création contemporaine. Une excellence qui n’avait pas évité au festival de connaître une situation économique dramatique en 2024. Lors de la présentation de l’édition 2025, Pierre Audi s’était cependant félicité du redressement financier rendu possible « grâce à l’État, les collectivités territoriales, les mécènes, la qualité de l’équipe et les nombreux amis ». Dans un coin de sa tête aussi, la perspective pour le festival de recevoir le prix Birgit Nilsson 2025, qui lui sera décerné quelques semaines après la mort de son directeur. Une première pour une institution culturelle, qui outre le prestige, lui assure une enveloppe de 1 million d’euros.
« Désir destructeur, émancipateur, métamorphoses » : tels sont quelques-uns des thèmes que Pierre Audi avait choisis pour structurer un programme conçu et présenté de son vivant. Cette édition endeuillée, nul n’en doute, prendra la forme d’un hommage vibrant à celui qui en fut l’architecte passionné.
Don Giovanni Saison 8
Parmi les temps forts de la programmation on peut noter le retour, pour la huitième fois, de Don Giovanni à Aix. La mise en scène a été confiée à Robert Icke. Figure du renouveau théâtral britannique, connu pour ses adaptations théâtrales audacieuses de classiques comme Hamlet ou Oresteia, il fait ses débuts dans le monde de l’opéra ; une première incursion quipromet une relecture innovante de l’œuvre de Mozart, en collaboration avec le chef d’orchestre Sir Simon Rattle, à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise. Le chef anglais, habitué d’Aix n’y a cependant jamais dirigé Mozart.
Tout autre registre pour Louise de Gustave Charpentier, œuvre peu connue que Pierre Audi tenait à remettre en lumière, convaincu de sa portée politique et poétique. Cet opéra naturaliste parle des rêves d’une jeune femme dans le Paris ouvrier de la Belle Époque et dece monde en mutation traversé par les luttes sociales, les aspirations féminines, le désir d’art et de liberté. La soprano Elsa Dreisig incarnera le rôle-titre.
Baroque et boudhisme
Après Elena et Erismena au Théâtre du Jeu de Paume en 2013 et 2017, le festival poursuit sa découverte de l’œuvre de Francesco Cavalli avec La Calisto, opéra inspiré des Métamorphoses d’Ovide, qui sera donné au Théâtre de l’Archevêché, par l’Ensemble Correspondances sous la direction de Sébastien Daucé, référence dans l’interprétation de la musique baroque.
L’exploration des formes contemporaines, si chère à Pierre Audi, sera représentée par The Nine Jewelled Deer, (le cerf aux neufs couleurs) création de la compositrice Sivan Eldar et de l’autrice et chanteuse américaine de tradition indienne Ganavya Doraiswamy en coproduction avec Luma Arles. Inspirée de légendes bouddhiques, cette œuvre métisse les langages, musique expérimentale, électronique, chant traditionnel, poésie et narration visuelle, pour interroger la compassion, le sacrifice et la transmission.
Place à la voix
On se la répète de port en port… Et pourtant, l’histoire de Billy Budd reste une énigme : comment ce beau marin apprécié de tous a-t-il pu finir criminel, pendu à la vergue de son navire ? Le génial Britten (1913-1976) et ses librettistes s’étaient saisis de ce court roman inachevé de Melville pour en créer un opéra. Le compositeur britannique Olivier Leith, reconnu pour son approche expérimentale, mêlant musique classique, électronique et influences visuelles, en propose une adaptation musicale au format opéra de chambre avec six chanteurs – issus de la Résidence Voix de l’Académie 2025 – et mis en scène par l’Américain Ted Huffmann qui revient pour la quatrième fois à Aix. Il y interrogera la dimension queer de l’œuvre et proposera une méditation politique et métaphysique sur ce qui fait notre humanité, cimente ou anéantit une collectivité.
Deux œuvres majeures du répertoire romantique seront présentées en version concertante. Les Pêcheurs de perles, premier opéra de Bizet aux lignes mélodiques envoûtantes et son atmosphère orientalisante, dirigée par Marc Minkowski avec les Musiciens du Louvre et le Chœur de l’Opéra Grand Avignon. Et La Forza del destino de Verdi, cette fresque tragique où le destin s’acharne avec une intensité presque shakespearienne portée par Daniele Rustioni et le Chœur et orchestre de l’Opéra de Lyon. L’événement signe la première collaboration avec Les Chorégies d’Orange.
Le festival accueillera aussi des récitals très attendus, notamment ceux du contre-ténor Jakub Józef Orliński, virtuose aussi à l’aise dans le baroque que dans la breakdance et du ténor Jonas Kaufmann, monument incontournable de la scène lyrique internationale, dont la venue dans un programme Strauss, Mahler, s’annonce comme l’un des événements phares de l’édition.
En attendant la nomination officielle dans les mois à venir du successeur de Pierre Audi, la direction artistique de l’événement a été confiée à Bernard Foccroulle. Directeur général du Festival de 2007 à 2018, c’est peu dire qu’il connaît bien la maison. Il sera chargé d’assurer la continuité de cette édition si particulière.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Festival d’Aix-en-Provence
Du 4 au 21 juillet
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