« Vous allez redevenir Michael Sebamalai pour nous ».Cet ordre s’adresse au « simple policier » Michael Beaulieu, un nom qu’il porte depuis qu’il est en France, élevé par sa grand-mère (Radikaa Sarathkumar)à Clermont-Ferrand. Il es tmuté à Paris, chargé par la DGSI d’une mission spéciale : infiltrer la communauté tamoule dans le quartier de La Chapelle.
Little Jaffna est le premier long métrage de Lawrence Valin.« Mes parents sont originaires du Sri Lanka, j’ai grandi dans cette culture et c’était important pour moi d’en parler dès mon premier long, car très peu de films en France y font référence. Il n’y a eu que Dheepan de Jacques Audiard. » Un carton nous rappelle l’histoire de la formation des Tigres Tamouls, dans les années 1970, qui luttaient contre la dictature militaire au Sri Lanka. Une organisation déclarée terroriste en 2006 par l’Union européenne.
Le spectateur est immédiatement plongé dans la fête traditionnelle de Ganesh, le dieu-éléphant, tout en couleurs, avec ses chants, sa musique, ses danses, ses visages radieux que la caméra de Maxence Lemonnier filme de très près, nous en faisant ressentir la folle ambiance que troublent des conflits entre clans. Hors de question pour un frère laisser sa sœur fréquenter un jeune d’un autre clan.
Les bagarres sont fréquentes, séquences filmées comme dans le Kollywod, (cinéma tamoul), chorégraphiées avec des ralentis et de la musique. Michael Sebamalai, que certains appellent « babtou », se lie d’amitié avec un des Killiz, Puvi (Puviraj Raveendram), le bras droit d’Aya (Vela Ramamoorthy), le plus grand argentier des Tigres en France, respecté et craint de tous.
Agent double-identité
Chaque famille, chaque commerçant est ponctionné régulièrement pour soutenir les Tigres. La mission de Michael Sebamalaiest de repérerle moment où les fonds récoltés seront envoyés par camion en Suisse. Une mission d’autant plus périlleuse que son amitié avec Puvi a attiré l’attention d’Aya sur ce jeune qu’il ne connait pas et dont il se méfie un peu. Entre bagarres, courses en voitures, repas en groupes où l’on mange avec ses doigts – les fourchettes sont interdites – conversations avec la mamie, la caméra, nerveuse ne quitte pas cet homme.
Français ? Tamoul ? Les deux ? « Ce qui était important pour moi, c’est l’identité. Quand on a une double culture, parfois on nous demande de choisir et c’est très compliqué ; quand on choisit, on a l’impression qu’on trahit… » précise Lawrence Valin qui, en faisant ce film, entre polar et western urbain, a voulu mettre en lumière une communauté qu’on ne connait pas, un conflit très peu médiatisé, tout en créant son propre univers.
Il interprète avec talent cet homme qui aime ces gens, pour la plupart des acteurs non professionnels, avec qui il fait la fête, partage des moments forts. Tiraillé entre sa mission d’infiltration et sa redécouverte de son identité tamoule, pourra-t-il aller jusqu’au bout de sa mission ?
ANNIE GAVA
Little Jaffna, de Lawrence Valin
En salles le 30 avril